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Égarés, oubliés Bouton d’or et le sexe

avril 2005 | Le Matricule des Anges n°62 | par Éric Dussert

La Satyre : l’univers de Proust passé à la moulinette par la fille spirituelle de Roger Rabiniaux. Une curiosité. « C’était quelqu’un, la petite »….

Avec ses faux airs de France Gall (première époque), Virginie des Rieux a fait les beaux temps de la presse littéraire de la rentrée de 1965. Blonde comme les blés, elle avait 25 ans alors et, semble-t-il, un aplomb remarquable. Son premier roman, La Satyre, publié par l’éditeur du trublion Henry Miller, Buchet-Chastel, avait une allure narquoise, une façon bien à lui de s’imposer et un air libertin qui le fit remarquer. Les journaux donnèrent leurs grandes orgues : Jean Rousselot dans Les Nouvelles littéraires, Jean Mistler, « de l’Académie française », dans L’Aurore, mais aussi Christiane Rochefort, Pierre Desgraupes à l’antenne de Lectures pour tous ou Pierre-Henri Simon dans les pages du Monde ne manquèrent pas de saluer la jeune beauté. Virginie des Rieux était en effet une belle romancière et l’on sait que la critique, pour ne rien dire de l’Académie, n’y résiste pas. Tous, ou à peu près, louèrent et l’audace et le contondant de ce roman improbable. Qu’on y songe : une jeune aristo évoquait dans un livre dru comme la hure l’univers de Proust vu par Roger Rabiniaux. Autrement le monde de la carpe vu par un lapin russe sous amphétamines.
Les lecteurs de Rabiniaux se feront aisément une idée de la chose, quant aux autres, ils ne pourront nous reprocher de pourvoir à leur éducation en leur conseillant vivement de se diriger vers la librairie la plus proche. Les éditions Cent Pages fournissent du Rabiniaux, du bon qui plus est, et du disponible. On peut aussi aller au plus simple en signalant que Virginie des Rieux, comme Rabiniaux (qui pourrait être son père), appréciait les mots, la manière qu’ils ont de rouler des épaules et de s’accoupler pour bien sonner. Il fallait cette pâte pour tenir le récit des désirs orgiaques répandus au sein d’une famille de la haute (pensez, des Le Houtre !) affublée d’un enfant fin-de-race un peu pénible, « le déplorable fils de l’altière baronne », à la fois panthéiste et déjanté, ogresque simple d’esprit. Sans compter ces dames qui, décidément, ne se tiennent plus et cherchent la copule tandis que se distinguent « Partout des pierres cariées et des hommes tristes. » En somme, comme le précise un éditeur en panne d’inspiration : « Un roman grouillant où beaucoup de gens font beaucoup de choses »
Roman improbable, disions-nous et nous n’avions pas tort : c’est à cœur joie que l’auteur de La Satyre dépiaute la société aristocratique en usant des armes de Rabelais : du bon, du gros, du grotesque. On parle à son sujet de Jarry, de Pétrone et de Marcel Aymé, voire de « l’érotique des surréalistes ». C’est pour tout dire exagéré, néanmoins si la recette est apparemment aisée, le résultat n’est pas décevant et la jeune des Rieux, née le 20 décembre 1942 à Megève (toutes ces informations sous réserve de plus ample information), marchande de chemises à Saint-Trop’ ce sont les trop fameuses années « yéyé » dont nous ne dirons rien par déférence envers nos aînés, lesquels en portent encore parfois les consternantes cicatrices défraie la chronique au point de faire la nique à Françoise Sagan. Et puis elle menace d’attaquer en reconnaissance de paternité un certain Johnny Hallyday… C’est sa propre mère, patronne du « Black and White » à Juan, qui s’en ouvre dans Adam en novembre 1966.
Qu’on n’imagine pas à ses détails saugrenus que ce livre ne contienne pas de littérature. Il en est, au contraire, bien pourvu. Le vraiment surprenant de l’affaire c’est sa teneur en essences grasses. S’il reste des scories, si l’apparition lors d’une cérémonie nuptiale de Robert de Montesquiou, Gabriel de Pimodan, François de Nion, Léon de Tinseau ou du « Palikare aux moustaches noires » Jean Moréas a de quoi surprendre au point que, mauvais esprit que nous sommes, nous avons songé un instant à la possible participation d’un nègre signant par ces éruditions capilotractées sa collaboration, il n’en reste pas moins que l’enthousiasme d’alors reste bien compréhensible : on a rarement en main de telles exubérances. « C’est quelqu’un, la petite » et elle le prouvera en publiant encore Chandeleur et Dorothée, un récit plus empesé, à la même enseigne en septembre 1968 et une édition au Livre de Poche de sa Satyre en novembre 1972.
Quelques mois plus tôt, en juin, ses contemporains avaient pu contempler Virginie des Rieux dans les pages de Playboy (édition américaine à un dollar)… Devançant la modernité, elle y figure, pudique, en costume de bain rouge façon sauveteuse de plage pacifique, tandis que Régine Desforges et Catherine Breillat dévoilent franchement leurs décevants nénés. « Mes bons Messieurs, dans l’existence, il y a une chose qui passionne quiconque, c’est la fesse. Parlez de la fesse et ne parlez que de cela, vous n’aurez partout et toujours que des amis ». Près de quarante ans plus tard, on est bien avancé. Alors une question s’impose : qu’aurait-elle écrit si… ? Et puis, tiens, qu’est-elle devenue ?

Bouton d’or et le sexe Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°62 , avril 2005.