Vendredi 1er avril, 20 h, le pape va passer, c’est décidé : c’est l’heure des JT. Les PPDA, Schönberg et tutti se la jouent agneaux, mais on sent briller les crocs sous la laine : ah, si on avait dernier râle en vrai pour glacer des sangs sur les canapés et même souffle ultime en buée sur écran télé ! Logistique fin prête : multiplex partout téléplanétaires. Films : déprogrammés. Plus chiffres ni lettres ni roues de fortune ni trash cochonneries 1ère Compagnie : le pape, rien que le pape. Même ARTE supprime le strip-tease burlesque dans le middle west avec des poitrines format Russ Meyer. Sur plateaux TV, on se tanne le cul sur des tabourets pour combler l’attente : on a convoqué (pour l’âme) du prélat branché verbatim sur le Saint-Esprit, deux trois praticiens (ça c’est pour le corps) des phases grabataires sous petits cadrans et du compétent vaticanologue pour le supplément d’interprétation. Prof Doc dit du pape que si pas très mort c’est que du tout comme ou comme si djà fait. Doc Prof contredit car pas mort c’est pas kif kif mort à fond même une minute avant. Monseigneur Brushing avec petite croix en badge au revers dit que le pontife a déjà l’orteil dans le vestibule de la Maison du Père qu’est tout là-bas dans la Lumière. Mais Prof Doc rétorque que oui pourquoi pas mais qu’en vérité lumière ou loupiote ou panne de courant moi je vous le dis : électrocardio plat égal bonjour les dégâts. L’évêque de Lisieux, Mgr Lagoutte, déconseille les larmes (sic) car la Joie demeure. Et on papote, et on papote mais le pape c’est quand qu’i clapotte ? Allô, San Pietro, du nouveau ? On peut espérer agonie sous peu ou faudra attendre après la réclame, voire la météo, si le pape s’incruste ? Envoyé spécial vu du Vatican, avec fond de grappes de foule en parka et lignes de bougies qui gouttent du malheur, tire tronche sur du plan où y a rien à voir de neuf en info, on a mal pour lui. « On attend » il dit, en parler confit. On avait compris, même le cardinal bien nommé Ruini a pas moufté plus. Le pape exagère. Retour au studio.
Coda
Quand même il est mort. Ce fut l’endemain, samedi 2 avril, 21 h 37. Raté pour 20 h. Un seigneur, ce pape. Polonais bigot ? Oui. Paulinien grand teint ? Oui oui. Radical réac sur points de morale et affaires de sexe ? Oui oui oui. Mgr Gailliot, évêque mode, confie aux micros avec effets d’œil politique correct que c’est grave ringard (= très vilain). Mais pourquoi baver du propos sur ça et en faire pâtée pour talk-show vite fait ? : si on veut dire oui aux penchants du monde et révolutionner toute berzingue les mœurs, on ne fait pas pape.