Ça se passe aujourd’hui, sous nos latitudes. Dehors, la publicité omniprésente et ses messages aux valeurs immuables. L’individualisme partout. Georges vom Pokk, fier représentant des cadres occidentaux indifférents au sort d’autrui, travaille dans le nucléaire. En multipliant les voyages, il se retrouve pris dans une boucle impersonnelle : aéroport-avion-aéroport. Un bogue visuel (tout est pareil) et affectif (on ne ressent rien) qui lui permet de redevenir un être humain doté d’une conscience morale. Une réfugiée tchétchène, habillée de rouge, Tchaka, qui multiplie les tentatives d’entrée illégale dans le pays, provoque chez lui ce coup de foudre salutaire. Intéressé, choqué puis solidaire, Georges essaie de comprendre son histoire et sa condition. Petit à petit, il voit les lâchetés ambiantes, y compris les siennes, et les contradictions d’un système qui marche sur la tête : « L’argent, les services, les marchandises, les informations, tout circule sans entrave autour de la planète. Seuls les humains sont contrôlés, répertoriés, déportés contre leur gré ». Apparemment froid, mais finalement intelligemment têtu, Georges la suit jusqu’au centre de rétention où ses compagnons ont décidé de se révolter. Le temps d’une chute accidentelle du haut d’un toit, Georges a raconté son histoire. Pour avoir voulu suivre l’amour de sa vie, il paie cher son engagement. Sa lutte aura permis de faire de la publicité à leur mouvement. Retour à la case départ. Avec une belle finesse, Daniel de Roulet montre ce glissement qui transforme un homme indifférent en citoyen. Il élève l’intransigeance sereine face aux abus de toutes sortes en comportement à haute conscience morale ajoutée : une certaine forme de liberté.
Franck Mannoni
L’Homme qui tombe
Daniel de Roulet
Buchet Chastel, 178 pages, 14 €
Domaine français Chute libre
juin 2005 | Le Matricule des Anges n°64
| par
Franck Mannoni
Un livre
Chute libre
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°64
, juin 2005.