Issu en 1908 d’une famille aisée d’un petit village de montagne de la Corée du Sud, Kim Yu-Jong, orphelin très tôt, n’aura de cesse, après des études universitaires bâclées, de mener l’existence des plus pauvres. Vagabond, il vivra au milieu de paysans misérables, fréquentera les deulbyong’i, marchandes d’alcool ambulantes et écrira une trentaine de nouvelles avant de mourir de la tuberculose en 1937. Une dizaine d’entre elles regroupées ici montre les relations qu’entretiennent les paysans avec encore plus déshéritées qu’eux, leurs épouses. Battues, prostituées, délaissées, ces dernières ne paraissent jamais à court de ressources pour survivre. Il faut toutefois faire attention quand on les bat, à ne pas les tuer ou à trop gâcher la marchandise. Si Kim Yu-Jong, avec beaucoup d’humour, dénonce la bêtise crasse des paysans, êtres grotesques, vils, amoraux, il démontre aussi, sans jouer les idéologues, qu’ils sont acculés à ces pratiques par un système qui les exploite. L’écrivain coréen ne se départ pourtant jamais à leur égard d’une immense tendresse fraternelle. Le monde obscur, terrible, balayé par la pluie qu’il dépeint, prend des allures de somptueux chant populaire. Son écriture attachante, poétique, vive, contrastée, apparaît comme résolument moderne. « Et moi qui m’étais jamais rendu compte qu’elle avait quinze cents wons dans le ventre, cette conne ! Tout compte fait, elle vaut plus que moi ! »
Dominique Aussenac
Une averse de Kim Yu-Jong
Traduit du coréen par Choi Mikyung et Jean-Noël Juttet,
Zulma, 150 pages, 8 €
Domaine étranger Damnées de la terre
juin 2005 | Le Matricule des Anges n°64
| par
Dominique Aussenac
Damnées de la terre
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°64
, juin 2005.