Au rythme d’une grande maison calme, entre les repos contemplatifs face au jardin et « les gestes simples qui permettent un écoulement paisible, presque imperceptible du temps », Amé s’engage dans la vieillesse, avec une douce résignation. Lorsqu’on lui demande de garder la petite Malou le temps des vacances d’été, elle accepte à contrecœur. Cette compagnie imposée menace la quiétude dans laquelle elle s’est établie depuis la mort de son mari. Alors elle se tient à distance. Mais la fillette, avec sa valise rose et ses regards craintifs, a tôt fait de l’émouvoir, et Amé lâche peu à peu du lest. Profitant d’un élan d’insouciance, elle entraîne Malou dans un voyage au jour le jour où se construisent des souvenirs et une tendre connivence. Un été durant lequel, avec toute la candeur mêlée de brusquerie dont font preuve les enfants, Malou l’oblige à poser sur elle-même un regard vidé de tout faux-semblant. « Elle m’a dit une fois : Tu n’as pas de chance d’être aussi vieille. Il n’y avait rien de cruel dans son regard. Elle était triste pour moi. Et après tout, elle avait raison. »
Dans ce court roman d’une fraîcheur mélancolique, Brigitte Le Treut évoque avec justesse l’ambivalence des sentiments d’Amé. Il y a ce plaisir d’une complicité partagée avec l’enfant, et le pincement au cœur aussi, à l’idée qu’il vous oubliera si vite. La peur d’être renvoyée à l’image soudain cruelle d’une solitude qu’on croyait avoir appris à aimer. Cette parenthèse enchantée dans la vieillesse d’Amé n’apaise rien. Elle met juste des mots clairs sur la tristesse du temps qui passe.
Lumière du soir de Brigitte Le Treut
Viviane Hamy, « Bis », 128 pages, 6 €
Poches La vieille dame et l’enfant
juillet 2005 | Le Matricule des Anges n°65
| par
Lise Beninca
Un livre
La vieille dame et l’enfant
Par
Lise Beninca
Le Matricule des Anges n°65
, juillet 2005.