Fusées N°9
Raconter l’homme et l’œuvre, c’est l’objet du beau dossier que consacre Fusées à Raymond Federman. Un échange de mails entre l’auteur d’Amer Eldorado et l’écrivain Henri Raczymow en constitue le fil rouge, marqué par le traumatisme et l’esprit clownesque. Federman évoque son enfance à Montrouge. La rafle de juillet 1942, à laquelle il échappe, caché dans un placard père, mère, sœurs finiront à Auschwitz. Puis son départ pour l’Amérique, à 19 ans, avec pour seul bagage la langue française. Ce qui fait dire à Christian Prigent : ses écrits (romans, poèmes, récits) « tentent simultanément d’exposer et de conjurer la cruauté génératrice de l’œuvre en la passant à la moulinette de la comédie ».
Federman, « toxicomane du mot », roi de la digression, fut l’ami de Beckett. Aussi nageur, parachutiste, golfeur, saxophoniste, etc. À propos du golf dont il loue les vertus méditatives : « À Westwood, après un de mes drives, une mouette est tombée du ciel ». À propos des États-Unis : « Ce qu’on appelle l’Amérique est une fiction fabriquée par Walt Disney (…), je voulais fuir la réalité et vivre comme dans un rêve. » Écrire un roman ? « C’est un peu comme faire de la comptabilité il faut toujours calculer d’avance ce qu’on va faire pour qu’on puisse faire exactement le contraire ». On y lit aussi le portrait de ce « fictionnaire » par sa fille Simone, son parcours éditorial parsemé de refus (l’un voulait « ma vie, ma misérable vie pour 5000 $ »). Le facétieux et excessif Californien, expert en nouilles, avoue également : « Quand j’ai rien à foutre, je compte combien de livres j’ai dans ma bibliothèque mais j’arrive jamais au même nombre. »
Fusées N°9, 216 pages, 27,50 € (29, rue Gachet 95430 Auvers-sur-Oise)