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Domaine étranger Y a-t-il une vie sur terre ?

octobre 2005 | Le Matricule des Anges n°67 | par Thierry Cecille

À l’image du Christ au Jardin des Oliviers, Gerard Reve se retourne sur son passé et s’interroge sur notre solitude et notre déréliction.

Âpre et solitaire est le désir, sa poursuite, le plus souvent, est poursuite du vent, on ne s’approche de son objet que pour mieux le perdre puis recommencer. Si l’on ajoute à cette fatalité la malédiction d’une enfance étouffée et la prédestination de l’homosexualité, nul doute que l’existence, dès l’abord, s’engage sur des chemins pénibles, sous l’astre saturnien de la mélancolie. C’est ce qui attend Gerard Reve et le lecteur de cette autobiographie déformée, bancale, pleine de reprises et de répétitions, mais aussi d’ellipses et d’énigmes. Est-ce là la raison du retard dont témoigne et auquel remédie cette traduction : ce livre fut écrit en 1980 et Gerard Reve nous est présenté comme un des plus grands écrivains vivants « d’expression néerlandaise » (trois de ses romans ont été publiés chez Gallimard) aux côtés de Hugo Claus et de Cees Nooteboom. Il est certain que les thèmes, comme l’écriture, de cette œuvre sont éloignés des afféteries formalistes post-modernes, ou du nouvel ordre moral camouflé sous la pseudo-libération sexuelle, festive et consumériste : ici nous sommes plus près de la lutte entre l’âme et la chair des psychomachies médiévales, de la dépense et de l’abjection de Bataille, et de la langue classique minée et détournée par Genet.
Même si la figure de la mère passe, fugitivement, dans des scènes de l’enfance et que l’on devine la douleur de la perte (« Ma mère était morte et, comme si cela ne suffisait pas, personne ne m’aimait »), la Mère du titre renvoie plutôt à la Vierge quant au Fils… Reve, né en 1923, élevé dans une famille « rouge » de la banlieue d’Amsterdam, doit subir en même temps le grisâtre protestantisme d’un pays qui, pendant la guerre, offrira en outre au nazisme des collaborateurs sincères. Face à la foi du père celle de « l’Eglise de Marx et de Lénine » -, à ses mensonges comme à son « inquisition moyenâgeuse », il choisira peu à peu il lui faudra pour cela presque une vingtaine d’années, en un défi insensé et scandaleux pour l’écrivain à l’homosexualité affichée qu’il sera devenu, le catholicisme. Mais puisque « la religion, loin d’être une opinion ou une conviction, est une expérience reliée au sens du mythe et à l’affect », cette Marie qu’il glorifie prendra parfois la figure d’Isis ou de Cybèle, et il ira jusqu’à lui dédier en « offrande », « devant l’autel où se dressait une Madone naïve en bois polychrome », une masturbation « jusqu’à l’assouvissement ». Quant au Christ, il peut s’incarner en « un très beau jeune homme de la classe ouvrière, bien bâti et sans malice, portant des vêtements de travail propres et seyants », ou en cet « Elu », jeune adolescent entr’aperçu sur le quai d’une gare, mystère de la grâce qui stupéfie (« Comment quelqu’un peut-il incarner dans l’ensemble de son apparence tout ce qu’on peut imaginer en matière de beauté, force et splendeur, alors qu’aucun aspect de son physique, considéré en soi, ne pourrait l’expliquer ? ») et sera dès lors l’objet d’une quête fantasmatique.
Cette autobiographie, nous le soupçonnons en effet peu à peu, peut être partiellement fantasmée, comme l’occasion d’une réinvention de soi, d’une fiction intime élaborée (« Ce que je couche ici par écrit n’est pas un griffonnage irréfléchi mais la version finale d’un esclavage copieusement feuillu »), puisqu’il s’agit bien, à travers les assauts du désir et les désarrois de la solitude (« La honte, ma vie en a toujours été remplie »), les brumes éthyliques (l’alcoolisme est aussi un des attributs du narrateur) ou les éclairs du cynisme rageur (« La vie est une souillure »), d’approcher le « secret scellé » qui nous torture et nous fait vivre.

Mère et fils
Gerard Reve
Traduit du néerlandais par Marie Hooghe
Phébus, 228 pages, 19

Y a-t-il une vie sur terre ? Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°67 , octobre 2005.
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