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Domaine étranger Le walkman des anges

novembre 2005 | Le Matricule des Anges n°68 | par Thierry Cecille

Opposant ou associant, malicieusement, en un jeu de miroirs obliques, l’Est déboussolé et l’Ouest prétentieux, D. Ugresic nous offre un livre « qui étincelle ».

Ceci n’est pas un livre

Depuis Montesquieu et ses Persans interloqués par les mœurs parisiennes et les faux-semblants de la Cour du vieux Roi Soleil, mais capables en retour de décrypter les excès de leur propre Orient despotique, le procédé du « regard étranger » est une arme redoutable de la satire. Alors que Le Musée des redditions sans condition (voir Lmda N°58) se présentait comme un roman, il s’agit ici, annonce Dubravka Ugresic, d’ « essais » mais et le découpage même du livre, en sept parties dont une « Ouverture » et une « Fermeture », nous le rappelle d’essais à la Kundera, mêlant la réflexion à l’anecdote, l’aphorisme à la scène dialoguée, le portrait au fragment d’autobiographie. Elle dresse d’abord un panorama de l’actuel paysage littéraire mondial, où elle essaie vaille que vaille de s’introduire modestement : ce n’est plus qu’un vaste marché, avec ses éditeurs olympiens, impossibles à atteindre, leurs directeurs littéraires escortés d’armadas d’assistants, et ces nouveaux venus, désormais tout puissants et le plus souvent injoignables, les « agents littéraires », qui n’ont de remarquable que leur vaste inculture : la sienne « se rappelait (son) nom et (son) prénom, mais c’était les noms des éditeurs qu’elle ne parvenait pas à mémoriser. Elle confondait Feltrinelli et fettucine, Gallimard et gauloise, Einaudi et audi. » Bien entendu tout ce beau monde se rassemble régulièrement en de vastes « foires » qui, elles, portent bien leur nom, où se monnaient non pas des romans mais les synopsis qui doivent les précéder, chacun pourvu de son « hook » (hameçon) propre à happer le lecteur-client.
Plus profondément, elle n’hésite pas à comparer les auteurs qui se prêtent à ces exigences marchandes (quand « baratin » et « bagatelles » l’emportent sur le talent) aux « ingénieurs de l’âme » de l’agit-prop du réalisme socialiste jdanovien, le rêve consumériste (associant le kitsch et le glamour) remplaçant seulement l’idéal ouvriériste et révolutionnaire : « Si par hasard Stephen King était allé se perdre dans la Russie stalinienne, il y aurait certainement obtenu le prix Staline. »
Dubravska Ugresic n’ignore pas (la métaphore est reprise régulièrement) qu’elle scie la branche sur laquelle elle est assise (et écrit !), elle s’identifie avec une ironique modestie à l’ami grognon de Winnie l’Ourson, Bourriquet, « le plus célèbre rouspéteur de la littérature », qui ponctue de ses interventions drolatiques les étapes de ce voyage entre deux mondes. Elle s’éloigne peu à peu, en effet, du domaine de la littérature, pour entreprendre un diagnostic plus large sur cette société globalisée et normalisée qui est la nôtre, cet « Occident » que les anciens pays communistes, « ébréchés comme des tasses bon marché », ont fini par rejoindre, les uns paisiblement, les autres à travers les tragédies de la guerre civile. Elle revient alors sur les raisons qui ont fait d’elle une exilée, lorsqu’elle refusa de céder aux sirènes du nationalisme croate. Avec la liberté revendiquée de l’ « apotégrée » (« hybride », « ni parmi les intégrés, ni parmi les apocalyptiques »), elle est donc à même de juger l’optimisme obligatoire, les « exécuteurs intellectuels », la « nouvelle flore idéologique » qui partout prolifère ici, en un monde où les prédictions d’Huxley l’ont emporté sur celles d’Orwell et où, pour échapper au « boucan global » de nos monologues narcissiques, les anges doivent se boucher les oreilles mais « sommes-nous vraiment sûrs que les anges ont bien des boules Quies dans les oreilles ? Et s’il s’agissait des écouteurs d’un walkman ? »

Ceci n’est pas
un livre

Dubravka
Ugresic
Traduit du serbo-croate par Mireille Robin
Fayard
301 pages, 18

Le walkman des anges Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°68 , novembre 2005.
LMDA papier n°68
6,50 
LMDA PDF n°68
4,00