De toutes les locomotives à vapeur, la Pacific 231 est une de celles, notamment en France, qui a suscité le plus d’admiration. Le compositeur Arthur Hoenneger lui a même consacré une symphonie. Benjamin, le jeune héros de ce roman, aime bouger, aime les trains. Il vient de trouver un boulot qui lui permet d’assouvir sa passion. Voyageur de commerce, il vend des encyclopédies sur tout l’Hexagone. Son patron l’aiguille vers un endroit très isolé du centre de la France. Là, le passé plus que refoulé de Benjamin réémerge. Lors de la dernière guerre, c’est dans ce nœud ferroviaire qu’il a fui l’occupant antisémite avec sa mère. C’est ici que son sort s’est joué.
Certains ouvrages donnent l’impression que ce sont les maladresses qui les constituent et qui les rendent sympathiques, intéressants. Un scénario assez étique, des rebondissements que l’on anticipe, une intrigue que l’on résout rapidement, un portrait psychologique du héros des plus sommaires font le charme de cet ouvrage minimaliste fait de non-dits, de silences, parsemés de quelques brumes fantastiques. De furtifs fantômes en pyjamas rayés apparaissent, disparaissent, rendant tout discours sur la Shoa superflu et incongru. Ni dolorisme, ni pathos, seule une charge émotionnelle qui peu à peu s’accumule et éclate sèchement à la fin de l’ouvrage. Un roman presque à l’état brut, le huitième de Bernard Waller. « Mais, pour ne pas attirer l’attention des soldats, c’est sur des lèvres muettes que je lis le cri, ce cri à jamais silencieux, qui jamais n’a cessé de retentir en moi : Benjamin, mon fils ! »
Pacific 231 de Bernard Waller
Anatolia/Le Rocher, 135 pages, 17,90 €
Domaine français Pas perdus
février 2006 | Le Matricule des Anges n°70
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Pas perdus
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°70
, février 2006.