L' Animal N°18 (Imré Kertesz)
À son habitude, la revue L’Animal nous offre ample matière à réflexion : elle se lit crayon en main et l’esprit alerté. Si l’ensemble qui donne son titre à ce volume L’écart / l’exil peut nous laisser dubitatif quant à la logique qui regroupe ici des textes très différents (poèmes de Gérard Cartier, essai analytique de Philippe Choulet sur Brecht dans et face à l’exil, récit de voyage de Vittorini en Sardaigne…), il nous permet de découvrir d’intéressantes pages du Journal du grand voyage d’Adorno, de retour en Europe en 1949, arpentant un Francfort en ruines où « on ne parle à personne sans se heurter à la mort violente ». C’est aussi de mort et de survie qu’il est question dans le riche dossier consacré au Hongrois Imre Kertész, rescapé des camps nazis et victime du totalitarisme, auteur de nombreux romans dont Être sans destin et prix Nobel 2002. Nous y sommes conduits, à travers plusieurs études pénétrantes, vers des extraits significatifs de son Journal de galère (à paraître chez Actes Sud). Alors que son traducteur C. Zaremba tente de situer « l’atonalité » de son écriture, entre Levi et Borowski, Aurélia Kalisky mène à bien une comparaison avec l’œuvre d’un autre survivant (de la révolution culturelle maoïste), également prix Nobel, Gao Xingjian. Catherine Coquio, enfin, décrit ce qu’il advient, selon Kertész, de la littérature après Auschwitz : elle doit « tendre vers des formulations qui englobent totalement le vécu (c’est-à-dire la catastrophe), des formulations qui nous aident à mourir et lèguent cependant quelque chose aux vivants. »
L’Animal N°18, 216 pages, 19 € (6, rue Bégin 57000 Metz)