Europe N°921-922 (Marguerite Duras)
Dix ans après sa disparition, la très controversée Marguerite Duras est de nouveau parmi nous. Si certains critiques soulignent toujours ses travers, sa personnalité, le personnage de « pythie médiatique » qu’elle jouait à la fin de sa vie, d’autres interrogent plutôt son œuvre littéraire et cinématographique. La revue Europe consacre un dossier assez complet et très nuancé, qui met en exergue la « vitalité désespérée » de l’écrivain et explique sous les plumes d’Evelyne Grossman et Emmanuelle Touati que « le masque protecteur d’un ego hypertrophié, cette statue d’elle-même qu’elle édifia de son vivant n’étaient que l’envers de la dépersonnalisation que nécessitait pour elle l’acte d’écrire ». Dans « Duras avant Duras », Claude Burgelin s’intéresse à la place du père, fantôme fuyant, insaisissable, mort lorsqu’elle avait 7 ans, enterré près de sa première femme, niant ainsi la seconde, mère de Marguerite et qui hante toute son œuvre. Laurence Brottier entreprend un parallèle audacieux entre la parole qui s’épuise en vain dans ses livres et la musique qui « touche le tréfonds de l’être » notamment dans ses films. Pascale Toulon et Marie Darrieussecq évoquent joliment leurs rencontres d’adolescentes avec les livres de Duras, les troubles et les engagements qu’ils ont suscités. L’éditeur Paul Otchakovsky-Laurens parle de la fulgurance du premier texte publié La Douleur, de « la musique immédiate des choses », de sa manière d’écrire, de parler. « C’était quelqu’un de malicieux, il faut le dire : elle aimait rire, elle aimait faire rire et elle aimait qu’on la fasse rire. »
Europe N°921/922, 380 pages, 18,50 €