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Domaine étranger Plombier polonais

juin 2006 | Le Matricule des Anges n°74 | par Dominique Aussenac

Avec un humour tendre et loufoque, Wlodzimierz Odojewski masque l’invasion de la Pologne derrière des gondoles à Venise.

Le destin politique de la Pologne a souvent pris des allures de chemin de croix. Ce pays courageux, mais souvent sacrifié sur l’autel des Nations, se voit aujourd’hui doté d’un gouvernement intégrant des ministres d’extrême droite et ce, encore, dans l’indifférence générale. Une saison à Venise renvoie à une période où la Pologne fut envahie par l’Allemagne nazie et partagée avec l’URSS sans que les mêmes nations ne lèvent le moindre petit doigt. Écrit à hauteur d’enfance, ce court roman rend hommage à l’imaginaire de ces jeunes années qui réinterprète les événements graves et incompréhensibles de la vie des adultes à l’aune de contes, récits d’aventures et héros de BD.
Marek, enfant d’une famille aisée attend avec impatience ses premières vacances à Venise, lieu de villégiature familiale. Or, nous sommes en 1939, au début d’un été qui verra l’Europe progressivement s’embraser et la Pologne saignée à blanc. À défaut de Venise, Marek rejoindra la propriété de sa tante Weronyka, située en pleine campagne et composée « d’un grand jardin et d’une villa Art Nouveau pleine de recoins secrets, de greniers, de caves et d’endroits étranges. » Weronyka, personne excentrique, mène une vie naturelle, « hygiénique ». Bref, « une tante formidable » que rejoindra une autre tante, Natacha, tout aussi formidable, moins excentrique, plus disponible et toujours à l’écoute des enfants. Quelque temps encore, Marek restera bougon, jusqu’à ce qu’une source jaillisse dans les caves de la maison. Si tante Weronyka considère rapidement que cette eau lustrale a des vertus thérapeutiques et émet déjà l’idée de créer des thermes, tante Natacha, alors que le pays connaît ses heures les plus noires, décide d’y réinventer Venise. Enfants et adultes barboteront dans un univers fantasmagorique, des journées et des soirées entières, au son de l’accordéon, du violon, des jeux d’eau et de lumière. Mais l’été, le rêve et l’enfance ont une fin. L’augmentation exponentielle de la facture d’eau et la venue d’un plombier alcoolique et maladroit transformeront la source en bien prosaïque fuite d’eau. La réalité parviendra à s’immiscer dans ce monde féerique et le spectacle de la guerre, de ses bombardements, de ses victimes n’épargnera pas l’enfant. Il verra un soldat à l’agonie perdre ses entrailles, un ami juif perdre la tête, refusera ces images, quittera ces mauvais rêves sur la pointe des pieds. Mais ceux-ci commenceront leur travail de sape.
Il y a du Grand Meaulnes dans ce roman. Un roman plus solaire, plus lumineux (bien que l’action se passe en grande partie dans des caves) qui offre des moments de grâce, de poésie, de beauté avec des rires, des cris, des concentrés de vie, d’énergie vitale et la fausse insouciance de l’enfance.
Quelques années plus tard, des enfants, des vieillards, des adultes seront massacrés dans d’autres caves, d’autres égouts lors de l’insurrection du ghetto de Varsovie. L’écriture d’Odojewski descriptive, court, se ramifie, légère, agile, aérienne comme une papilionacée, un haricot magique. Né en 1930, l’auteur, écrivain et homme de radio nous offre ici un magnifique chant sur l’enfance, ce fabuleux moteur de rêves et d’illusions : « l’eau ondulait et clapotait, la lumière qui tombait par les fenêtres côté jardin illuminait l’intérieur de la cave de reflets vert et or, se brisait à la surface de l’eau qui scintillait et tapissait les murs d’un miroitement ardent et froid, et tout rappelait la vraie ville « sur l’eau », Venise. Et, pendant un instant peut-être, ils oublièrent la guerre. »

Une saison
à Venise

Wlodzimierz
Odojewski
Traduit du polonais
par Agnès Wisniewski
et Charles Zaremba
Les Allusifs
89 pages, 12

Plombier polonais Par Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°74 , juin 2006.
LMDA PDF n°74
4,00