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Domaine étranger La vérité sur les fils

septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76 | par Lucie Clair

Dans les dernières convulsions de la Der des Der, un père se heurte au non-sens devant la barbarie guerrière, et renoue avec le fil dansant de la vie.

Un siècle de novembre

Charles Marden est un honnête homme, de ceux sur lequel le Canada peut compter juge et cultivateur de pommes dans l’île de Vancouver, il a vu son fils partir vers le grand massacre, en 1918. Peur et pudeur mêlées, les mots font obstruction à l’émotion des adieux à ceux aussi portés par les quelques lettres envoyées par Billy avant son départ pour le front. Lorsque Charles apprend coup sur coup le décès de sa femme, touchée par l’épidémie de grippe espagnole, et celui de son fils, c’est un mouvement sans raison qui le pousse à prendre sur-le-champ le bateau pour quitter son île et s’embarquer sur un transatlantique peuplé de silhouettes de femmes en noir, et des rumeurs de leurs pleurs la nuit.
En Angleterre, le QG ne peut lui donner l’information qu’il attend le lieu où repose son fils n’est pas celui qu’on lui indique, la version officielle récuse celle des témoins d’ailleurs il ne repose pas, pas de dépouille, pas de tombe, « mort-disparu » est le terme pour ces corps éparpillés réduits au néant dans la boue et les détritus qui les environnent.
Parcours émouvant de ce père aux prises avec ses sentiments refoulés pour un fils mort trop jeune, vif-argent, au sang bouillonnant et à la tête d’aplomb qui l’intimidait un peu, père sans attache animé d’un élan qui lui est inconnu, impossible à nommer celui partagé par des centaines d’autres « pèlerins » qui, comme lui, se retrouvent en cohortes sur les routes de France et des Flandres, à cheminer dans les ornières les derniers jours de novembre, tous espérant « retrouver leur fils vivant. Nous sommes venus, nous sommes tous venus pour le réchauffer, le nourrir, le ramener à la maison ». Aucun n’est dupe de l’impossible pari mais il leur faut avoir tenté, y être allé, là où ils sont tombés. Charles aura appris l’armistice à Londres sans lui donner plus d’importance que celui du spectacle de la joie des autres. Il y aura aussi compris que Billy y avait connu une très jeune fille, qui entreprend le même parcours que lui. La quête du père se transmute sous l’impulsion secrète d’un double mouvement, celui qui ouvre droit au deuil, la découverte de la vérité de la campagne de Billy jusqu’à la confrontation finale avec le dépositaire de ses dernières heures, et celui de la présence de plus en plus forte de cette femme, fragile et « démunie », qui l’a aimé au point de distancier le père dans sa marche.
Un siècle de novembre commence pesamment, certaines descriptions, certains décors, comme en écho aux nodosités de la douleur empaquetée sous la chair de ce père comme si l’auteur faisant corps avec Marden ne parvenait à s’en détacher qu’au prix du même parcours que celui de son personnage. Mais lorsqu’il atteint les marches des Flandres, on est, comme lui et avec lui, emporté en ce no man’s land, lieu où « la ligne de démarcation entre la vie et la mort avait été plus ténue que jamais auparavant (…) seul endroit où les communications entre le monde des vivants et celui des morts étaient possibles », espace de la désolation où les obus continuent d’éclater tous seuls, emportant les visiteurs quand les soldats sont déjà partis, dans cette « succession de champs boueux vaguement ondulants, semblables à un porridge grumeleux ». Un paysage de fin d’un monde, retranscrit au fil du couteau, avec une force peu commune, et une enquête historique fouillée nous livrant la brutalité du quotidien des soldats de toutes nationalités embourbés dans le « Grand jeu » des Nations. Livre de l’impossible consolation et pourtant de la force de vivre, réconciliation avec la vie des fils qui a échappé à leur père et avec la vérité d’être père, dans toute son impuissance et sa douceur, c’est le premier ouvrage de Walter Wetherell traduit en français.

Un siècle
de novembre

W.D. Wetherell
Traduit de l’anglais par L. Saint-Martin et P. Gagné
Les Allusifs
202 pages, 15

La vérité sur les fils Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°76 , septembre 2006.
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