Face à la mère est construit presque classiquement, un prologue, trois mouvements puis un épilogue, pour évoquer une traversée dans le deuil.
Un homme apprend que sa mère de 75 ans est morte assassinée à Port-au-Prince. Jeune, sa mère s’est enfuie avec ses deux enfants, le fils et la fille, pour un long exil en Belgique. Ensuite le fils s’est révolté, a enjoint la mère de partir, de le laisser. Elle est rentrée dans son pays. Dix années se sont écoulées sans que l’un et l’autre se croisent, puis vint le temps des retrouvailles, timides, fugaces. Avec l’annonce de cette mort brutale, le fils après trois ans qu’il nomme de « coma » part à la rencontre de sa mère morte pour enfin parler d’amour. « Vivante, je m’étais exilé de vous. Morte, vous redessiniez mes frontières, comme un indiscernable océan. Je vous avais connu sainte, je vous retrouvais martyre. Alors, puisque vous ne me laissiez pas de répit, puisque je ne pouvais plus prendre le large pour fuir votre absence infinie, j’ai décidé de partir à votre recherche et de me rapprocher de vous. » Il se présente devant le royaume des ombres pour dire et redire les mots qui ne sont pas venus au bon moment, pour laisser partir la douleur, accepter la violence du monde… Les paroles se croisent, le texte pourrait être un monologue ou un chœur de récitants, avec les différentes voix d’un être divisé. L’écriture, sans fioriture ni pathos, va à la simplicité, la mise à nu. La pièce nous touche dans le chemin trouvé pour surmonter la douleur, puisque le texte va à l’apaisement, par le poème, en ressassant les mots jusqu’à ce qu’ils s’épuisent, jusqu’à pouvoir entendre la mère morte. Tissant le lien avec l’invisible, le théâtre de Jean-René Lemoine trouve là une belle vitalité.
Face à la mÈre de Jean-René Lemoine
Les Solitaires intempestifs, 64 pages, 10 €
Poésie Par-delà la mort
janvier 2007 | Le Matricule des Anges n°79
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par-delà la mort
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°79
, janvier 2007.