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Vu à la télévision Des conséquences chafouines du complexe d’Endemol

mars 2007 | Le Matricule des Anges n°81 | par Chloé Delaume

Le Happy Slapping, littéralement joyeuse baffe dans la gueule, est un phénomène très en vogue, visiblement fort prisé par les jeunes occidentaux. Apparu durant l’hiver 2005 dans la banlieue sud de Londres, cette sympathique activité s’est rapidement développée en Irlande, en Suède, puis aux États-Unis, avant de devenir en France le sujet de prédilection des émissions labellisées SOS Karcher.

Le principe du jeu est très simple : un ou plusieurs individus fondent sur une cible isolée qui ne soupçonne en rien l’imminence de l’assaut, et lui défoncent le minois. La scène est filmée via l’option vidéo du téléphone portable d’un complice. Les images sont par la suite mises en circulation de portable à portable, ainsi que par internet.

La première fois que j’ai vu la télévision française aborder le sujet, c’était dans un JT en avril 2006. Une enseignante de Porcheville (Yvelines), rouée de coups par des élèves, était devenue le centre du film amateur le plus prisé de son établissement. Quelques débats, mais peu. La lecture des faits ne s’articulait qu’autour de la violence Bandit ! des djeunz Voyou ! carences disciplinaires Voleur ! retour à l’uniforme Chenapan ! fermeté des mesures qu’est-ce que c’est que ces hurlements treillis encadrements la meute des honnêtes gens. Et puis.

Fin novembre, sur France 2, dans un Complément d’enquête qui proposait parallèlement un sujet sur les adolescents incendiaires marseillais, les sauvageons mineurs d’Evry, et la graine de potence niçoise ; lumières sur le Happy Slapping. Un fléau chez nous, qu’ils disaient. J’ai écumé à cette époque les sites de référence en matière d’hébergement vidéo sur le net. Là, ô surprise, du Happy Slapping soit, mais du made in US, ou de l’anglo-saxon. À noter que le reportage introduit par Benoît Duquesne utilisa nombre de ces images étrangères en guise d’illustration, sans en préciser l’origine. Ce qui avait pour effet de totalement épouvanter le téléspectateur inattentif, et aurait pu amener Michèle Alliot-Marie à déclarer : « La France, c’est la Tour Eiffel et Jacques Chirac, mais aussi le Happy Slapping ».

Cela étant, par-delà le penchant hyperbolique et la soif d’emballement de nos chers médias français, force a été d’admettre que le Happy Slapping ne constituait en rien une légende urbaine. Impossible de se réfugier dans le Syndrome Roselyne Bachelot. Le Syndrome Roselyne Bachelot, je tiens à le préciser, n’a strictement rien à voir avec le Happy Slapping, toute saine pulsion mise à part. Il ne s’agit que d’une analogie personnelle : en 2004, alors ministre de l’Environnement, l’actuelle secrétaire adjointe de l’UMP avait déclaré : « La moitié du nuage d’ozone qui sévit dans la région parisienne est d’importation anglaise et allemande ». Il n’en est donc pas de même avec les images happyslappantes propagées. Hélas3.
En France, ces derniers mois, des dizaines de cas ont été répertoriés, la centaine officieuse atteinte inéluctablement. Les contenus des vidéos se durcissent, et le terme Happy Slapping ne définit plus que : violences et agressions diverses plus ou moins monstrueuses filmées via téléphone portable. Le lunetteux en cartable Tan’s qui se fait marave à la récré = la gamine de treize ans violée en groupe = un vol à la tire = un humain battu jusqu’à perte de conscience. Le support technique est commun, l’appellation très élastique.
Dans plusieurs pays d’Europe, le décès de la victime tient lieu de dénouement. Depuis l’apparition de la caméra vidéo amateur dans les années 80, les viols, tortures et meurtres filmés ont un nom : snuff movies.
Les premiers réseaux de Happy Slapping étaient proches du concept des émissions américaines Jackass et Dirty Sanchez. Des jeunes gens se jetaient avec vigueur contre un mur ou un inconnu, voire vomissaient sur des passants après avoir ingurgité de nombreux litres de bière, de lait ou d’urine, selon leur niveau de créativité. L’émulation était grande, les bleus et la provocation garantis. La seconde vague a immédiatement versé dans une version édulcorée du snuff movie. C’est-à-dire dans une production maison de télé-réalité.
Les programmes et enquêtes sur le Happy Slapping s’étant multipliés sur les chaînes de télévision, un récent Zone interdite de M6 confirmait une donnée : face aux images d’une camarade violée en groupe, ses connaissances féminines ricanaient. « Ça l’affiche ». Pulsion de mort, sadisme, avidité voyeuriste, légitimation de l’humiliation, déréalisation des faits. La victime apparaissant dans une scène filmée, toute compassion est impossible. Formatée par le principe téléréaliste, qui veut que tout corps humain plongé dans la télévision devienne un personnage de fiction, l’empathie est exclue de ces vidéos.

Chaque film est un trophée pour ses initiateurs, à la fois acteurs, réalisateurs et producteurs. Peut-être l’unique façon qu’ils aient trouvée pour avoir la sensation de contrôler leur vie quelques minutes. Une domination barbare dans un monde réellement inversé, mais alors de plus en plus.

Des conséquences chafouines du complexe d’Endemol Par Chloé Delaume
Le Matricule des Anges n°81 , mars 2007.
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