Le château, comme l’œuvre, impressionne : massif, solitaire, surplombant la campagne qui l’environne et lui offre comme un écrin et un écho, sa pierre blanche semble avoir parfois, dans l’éclat du soleil d’hiver, la consistance du marbre. C’est à Plieux, en Lomagne, à mi-chemin entre Auch et Agen, que nous accueille Renaud Camus - et les touristes eux-mêmes, en quête d’un passé préservé, peuvent, en saison, visiter les lieux. Ils y trouveront, outre quelques échappées sur l’intimité du maître de maison (comment ne pas envier cette énorme bibliothèque presque bénédictine, aux centaines de volumes classés en un ordre mystérieux…), de superbes œuvres de Jean-Paul Marcheschi, fresques de cendres et de cire, où l’homme est écartelé entre tortures et flammes ou prend son envol à tous les vents du désir. Ils pourront aussi, par des fenêtres ouvrant sur le vide (ajouter des balcons creuserait encore le gouffre financier qui toujours menace !), découvrir, dans le lointain, les Pyrénées. Depuis plus de quinze ans, Renaud Camus a choisi d’habiter ce château : il y vit en hôte respectueux des fantômes de ceux qui le précédèrent et dont il voudrait, modestement, recueillir l’héritage. C’est ici qu’il écrit, jour après jour, son Journal, bien sûr, mais également les autres volumes qui, régulièrement, viennent enrichir une œuvre abondante et multiforme, composée de romans, d’essais, d’églogues ou même de… guides touristiques, bien subjectifs cependant.
Le Journal est un monument imposant : celui qui paraît aujourd’hui est le vingtième volume. Cependant il est en même temps le seuil, l’entrée accueillante - pour qui veut bien se donner la peine de pénétrer ici. Au désir d’exhaustivité qui apparente cette entreprise à celle de Montaigne (dont la tour-librairie est proche), à la volonté de décrire « la forme entière de l’humaine condition », il faut ajouter - et tout ceci peut expliquer la démesure de ces volumes - l’attention aux lieux et aux êtres rencontrés, la curiosité infatigable pour les formes les plus contemporaines de l’art, des interrogations esthétiques ou philosophiques, et une préoccupation constante, le leitmotiv le plus entêtant : quel est le destin de la culture ?
Cette réflexion aux accents spengleriens sur le déclin de la langue, de la littérature et de la culture - la décivilisation nous dira-t-il - le pousse parfois à tenter d’en trouver les causes : il émet alors des hypothèses que d’aucuns jugeront bien peu politiquement correctes, mais qui mériteraient plutôt le débat que l’anathème. Renaud Camus croit à la spécificité d’un « peuple français », revendique le droit de se sentir « français, aussi, comme les juifs se sentent juifs et comme les arabes se sentent arabes, et les Japonais, japonais », il ne voit dans le métissage aucune vertu - et va jusqu’à craindre que la France ne devienne « une sorte de gros Liban des bonnes époques » où confessions et cultures s’affronteraient. Nos tentatives pour obtenir quelques...
Entretiens Un homme de qualité
Une fois de plus, Renaud Camus nous invite à le suivre, à son rythme, en son Journal : observateur sarcastique ou inquiet, il raconte notre monde comme il va - mal ! - et recherche, tout au long des jours, « la consistance même de vivre ».