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Domaine étranger Fantômes marxistes

mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93 | par Thierry Guinhut

L’écrivain anglais Hari Kunzru dresse le portrait d’un ex-révolutionnaire, confronté à son passé terroriste. Sous l’ardeur, les cendres.

Mes révolutions

La fameuse revue Granta publie régulièrement une liste de jeunes auteurs anglo-saxons prometteurs. Très suivi, ce baromètre de la fiction est également un cadran solaire des nouvelles tendances. Né à Londres en 1969, Hari Kunzru fit partie des heureux élus, alors qu’il publiait en 2003 L’Illusionniste, roman d’apprentissage dans l’Inde impériale. De mère anglaise et de père indien, il poursuivit cette quête des identités avec Leela, qui fit faire le grand saut de New Delhi à la Silicon Valley à un héros en mal de rêve américain.
Avec Mes révolutions, le romancier s’intéresse encore aux soubresauts du XXe siècle. Il commence d’une manière traditionnelle : le cadre idyllique d’une maturité comblée bascule lorsqu’un passé enfoui annonce son retour. Michael Frame va fêter ses 50 ans avec sa compagne Miranda et sa belle-fille au milieu d’une réception nombreuse ; et il décide de fuir… Miranda va découvrir son vrai nom – Chris Carver – donc un mensonge de plusieurs décennies. « Bientôt une déferlante va s’abattre sur elle, par l’intermédiaire de la police, ou peut-être des médias. » Sa conversion à l’économie de marché grâce aux produits de beauté « Bonnessence » sera bafouée par l’ironie du sort. Au nom de la protestation contre la guerre au Vietnam, l’impérialisme américain et le capitalisme, son homme a été un terroriste poseur de bombes dans les rues de Londres.
Pendant un voyage dans le sud de la France notre héros reconnaît Anna, pourtant morte dans un attentat, en 1975. Les souvenirs d’il y a trente ans affluent : c’était en 1968, lorsqu’il était de toutes les manifestations violentes. « Ce passé presque préhistorique » revient à la charge. Sans compter le retour de Miles - complice, indic ou maître-chanteur ? – qui vient semer le trouble jusqu’au sommet de l’État en révélant des conspirations longuement tues…
Nous suivons alors l’épopée de l’étudiant qui se lasse des discussions communistes « masturbatoires » et passe à l’action. Le portrait d’une époque pleine de violences et d’illusions est particulièrement prégnant : manifestations, émeutes, charges de policiers à cheval… Une époque où le rock et les drogues, les mouvements antinucléaires et la révolte adolescente contre parents et pouvoirs en place semblaient aller de pair avec la seule issue possible : la révolution. La prison pour récidivistes dès la première arrestation, le dégoût des oppressions, tout le pousse à imaginer « un paysage moral » opposant deux mondes, « l’un, élémentaire et sensuel », l’autre, « celui de la loi, de la guerre et des institutions ». L’utopie des squats et des « boutiques libres » côtoie le glas de « l’individualisme bourgeois » changé en « dictature du partage ». Le tableau des actions pour les sans logis, des professions de foi idéologiques, des factions et exclusions, de leur mépris des libertés individuelles, de leurs tyrannies, est animé, criant de vérité. Parmi une jungle de militants déjantés et d’idées radicales entrechoquées, amoureux jusqu’aux larmes d’Anna, cette égérie sadomasochiste des révolutionnaires parmi lesquels elle choisit ses amants, notre idéaliste héros passe à l’usage de la terreur. Posant des bombes devant les banques, détruisant un étage de la Tour de la Poste, les conjurés deviennent « des Beria se pavanant dans le sous-sol d’une Loubianka psychédélique », mais aussi des tueurs au service des antisionistes arabes et à l’avantage de l’Union Soviétique… Se faire bouddhiste permettra-t-il d’en sortir ?
Voilà un roman qui plaira aux nostalgiques d’une révolution toujours à recommencer ; à moins qu’ils soient refroidis par le poids de la désillusion qui le balaye. Il retiendra également l’attention de ceux qui voudraient y lire les mécanismes de l’exaltation révolutionnaire pour les désacraliser, les renvoyer à leur essence totalitaire, à leur inanité.

Mes
révolutions

Hari Kunzru
Traduit de l’anglais
par Marie-Hélène Dumas
Plon,
328 pages, 22

Fantômes marxistes Par Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°93 , mai 2008.
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