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Égarés, oubliés Le dandy aux sabots

mai 2008 | Le Matricule des Anges n°93 | par Éric Dussert

Placée sous le signe du terroir, l’œuvre de Gabriel Nigond est en jachère avec son peuple de petites gens, ses douceurs et ses élégiaques songeries. Intime de Marcel Schwob, l’aurait-il été aussi de Willy ?.

Il y a des mystères qu’on ne s’explique pas : Gabriel Nigond avait des atouts, connut des succès, fréquenta des êtres qui comptaient et comptent toujours, usa du théâtre et se fit remarquer, publia et… s’effaça sitôt la mort venue. Son œuvre, soutenue par les lettrés d’Indre, de La Châtre à Châteauroux, en passant par La Berthenoux, ne dépassa plus, passée la Seconde Guerre mondiale le cercle étroit d’un département. Et la proximité du château de George Sand, celle de son exégète Georges Lubin ne fit rien à l’affaire. Gabriel Nigond, poète, nouvelliste, auteur dramatique, était renvoyé aux limbes.
Né le 24 février 1877 à Châteauroux, Gabriel Nigond vit donc passer les temps qui de George Sand menaient à Dada et à la révolution bolchevique. Une période riche assurément pour un créateur aussi sensible qu’il semble l’avoir été. Dans l’ombre portée de son ami Maurice Rollinat, qui vivait lui-même dans celle de Charles Baudelaire, poèmes et monologues patoisants lui valurent dès le début du siècle dernier une juste réputation. Il fut découvert par Séverine, femme de presse engagée, en septembre 1901, lors des journées George Sand qui se déroulaient à La Châtre et à Nohant. Au point que, le prenant sous son aile, la journaliste l’introduisit au sein de la maison d’édition parisienne de Pierre-Victor Stock, haut lieu de l’anarchie littéraire et du théâtre audacieux. Là, à Paris, Gabriel Nigond se fit des relations et trouva un allié en la personne du grand André Antoine, le dramaturge majeur de son temps. Montées par ce phénomène du théâtre moderne, ses pièces obtinrent de beaux succès d’estime et Nigond, néo-parnassien patiné aux ors du symbolisme, se tailla une réputation d’auteur dramatique de qualité. On compara même ses poèmes de Novembre au Livre de la pitié et de la mort de Pierre Loti, signe qu’il était admis parmi les écrivains qui comptent. Mais c’est aussi l’époque où Edmond Rostand donnait le la avec ses pièces en vers, et les tentatives de Nigond restèrent en deça des succès monumentaux du père de L’Aiglon et de Cyrano de Bergerac.
Fils d’un ingénieur des Ponts et Chaussées, Gabriel Nigond avait fini au lycée Charlemagne des études entamées dans sa ville natale. Son père, directeur de la compagnie d’Orléans au terme de sa carrière, ayant assuré sa matérielle, le jeune homme eut le loisir de taquiner la muse à son gré et de son home du 99, boulevard Saint-Germain, de fréquenter les cercles littéraires de Montparnasse et du Quartier Latin, plaque tournante des arts et des lettres. C’est probablement là qu’il rencontra l’écrivain Marcel Schwob, fasciné par l’argot et les jargons lui aussi. On comprend bien l’intérêt que l’un et l’autre purent se porter. Dans la lignée de Rabelais et de Villon, Marcel et Boby – puisque c’est le surnom qu’ont donné à Nigond ses amis Pierre de Querlon, Rollinat, André et Jacques des Gachons – aimaient la langue au point de la fouiller et, la malaxant, d’en exprimer tout le jus. Leur amitié fut grande à coup sûr puisque dans son Journal Paul Léautaud remarqua que Nigond était régulièrement chez Schowb. Et la bibliographie confirme l’information : Nigond donna dans son recueil L’Ombre des pins (Stock, 1904) un « Théâtre imaginaire », hommage direct à l’un des chefs-d’œuvre de Schwob, ses Vies imaginaires. Reste aux schwobiens à pousser plus loin l’enquête…
Issu du même livre, le poème « Claudine » dont les éditions Versant Libre annoncent la prochaine réédition – avant celle de « M’sieu Dhéaume » qui avait paru dans le Mercure de France – appartient à la série des « Âmes blanches ». Mieux que ces textes en patois, les écrits vernaculaires de Nigond révèlent un poète délicat, empathique et doux qui « court jusqu’au fond de l’humanité ». À l’instar de Francis de Miomandre dont il semble partager la sensibilité et la malice. Signant « La tête de veau », un poème d’inspiration cocasse et macabre dans la tradition du Chat noir, il aurait donné à un ami cette explication : « la poésie est partout, même dans la boucherie (…). Le tout est de la découvrir ». Cet homme discret savait donc que l’humilité d’un modèle ne ternit pas un texte, ni la profondeur d’un sentiment. Pour lui, le cœur du peuple disait ce qu’il importe de savoir. Au poète de traduire ses souffrances et ses angoisses en de superbes élégies où il s’exprimait d’universelles interrogations.
La poésie de Gabriel Nigond est née parmi les gens simples des villages de l’Indre où il avait grandi et où il villégiaturait avec son ami le peintre Fernand Maillaud et où, peut-être, il a croisé cette Claudine qui s’efface. Malgré ses inspirations prolétariennes, Gabriel Nigond s’est effacé lui aussi. Installé près de Toulon dans sa soixantième année, il se trouva atteint par une maladie qui s’aggrava durant l’été 1936. De retour à Paris, il s’éteignit le 5 janvier 1937 à Saint-Maurice (Seine). L’Intransigeant signala cinq jours plus tard sa disparition. Passa la guerre, et puis les années. N’empêche, on se demande toujours pourquoi il publia coup sur coup Colette, pièce en un acte et en vers (1902) et « Claudine » (1903)… Aurait-il également fréquenté le père Willy et sa jeune compagne ?

Le dandy aux sabots Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°93 , mai 2008.
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