Né en 1935, Jacques-Henri Michot, qui a participé entre autres aux Cahiers de l’Herne consacrés à Brecht, poursuit ici un travail commencé avec Un ABC de la barbarie (Al Dante, 1998). Des fragments d’une première version ont été publiés dans l’ouvrage collectif L’Art dégénéré. Un même constat se fait jour : jamais les mots d’ordre du libéralisme n’ont été aussi présents. Comment résister à la bêtise de ces langages totalitaires ? En archiviste du présent, les collecter. Plusieurs sections de La Vie, l’amour, la mort recensent ainsi sous forme de listes (carnavalesques) ces mots d’ordre devenus insidieux et presque banals. « De ceux qu’ils écrasent ils disent : « Qu’ils se débrouillent. S’ils sont pauvres, ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes. Ils n’ont qu’à travailler davantage. » « Ces énumérations, à nous de les poursuivre et aussi d’en rire tellement elles sont vides. » Vous demandez trop à la vie. Estimez-vous que l’égalité soit possible et souhaitable ?« , » On s’habitue à tout « , » Il y a les riches et les pauvres. »
Mais il s’agit également pour la poésie d’opposer à la non-langue médiatique une ligne de résistance. Celle-ci passe en premier lieu par l’art : une constellation de fragments d’écrivains, peintres, musiciens, propose un discours intempestif, anthologie portative à consulter dans les moments de fatigue, de remise en question idéologique : « Il a changé, oui, changé. (…) Il assure que, quand il fait son jogging,
il ne pense à rien… » En second lieu, au cœur du livre, la ligne de résistance féminine, fragments débutant par les pronoms Elle, Elles : « Détruire, dit-elle », « Elles endurent, elles tiennent le coup. Elles font face. » Un texte d’éveil, et de combat.
La Vie, l’amour, la mort de Jacques-Henri Michot
Al Dante, 80 pages, 11 €
Poésie À travers les bruits
juillet 2008 | Le Matricule des Anges n°95
| par
Sylvain Guibert
Un livre
À travers les bruits
Par
Sylvain Guibert
Le Matricule des Anges n°95
, juillet 2008.