L' Animal N°19-20 (Simple / Philippe Lacoue-Labarthe)
Un an après la revue Lignes, c’est au tour de L’Animal de mettre en lumière la pensée et la personnalité de Philippe Lacoue-Labarthe (1940-2007). Associées à des textes de Lacoue-Labarthe, les contributions qui composent ce cahier, dont certaines sont apportées par des amis très proches de l’écrivain, proposent des points d’accès à une œuvre exigeante qui interroge les fondamentaux de la philosophie occidentale autant que l’essence de la création poétique. Jean-Luc Nancy (l’homme du « concept »), avec qui Lacoue-Labarthe (l’homme de la « poétique ») a travaillé en très étroite collaboration, tant dans le domaine de l’enseignement que dans celui de l’écriture, raconte leur rencontre en 1967 à l’Université de Strasbourg, leur amitié et leurs affinités intellectuelles, notamment autour de Heidegger et Derrida, leur « ancrage commun dans l’idéalisme allemand ». Lacoue-Labarthe éprouvait une immense admiration pour l’œuvre de Hölderlin qu’il a étudiée, traduite et méditée tout au long de sa vie. Dans un entretien de 1987 avec Patrick Hutchinson, il évoque à travers Hölderlin la figure d’« un penseur, l’un des plus grands sinon le plus grand dans cette époque (…) qui est peut-être la plus riche en pensée de toute l’histoire européenne depuis les Grecs. » Michel Deutsch, poète, essayiste, dramaturge et metteur en scène a travaillé au Théâtre National de Strasbourg du temps de la direction de Jean-Pierre Vincent. En compagnie de Lacoue-Labarthe qui retraduit et commente l’œuvre dramatique de Hölderlin (cherchant ainsi à « l’arracher à Heidegger » et à sa lecture « théologico-mythique »), il mettra en scène Antigone au TNS en 1978. Quelques années plus tard, en 1984, Deutsch et Lacoue-Labarthe créeront avec Jean-Christophe Bailly la collection « Détroits » chez Christian Bourgois. C’est à cette enseigne que seront publiés La Poésie comme expérience et Phrase, deux maîtres livres de Philippe Lacoue-Labarthe. Les commentaires qu’on en trouvera dans ce dossier constituent de précieux jalons pour aborder l’œuvre stimulante d’u
L’hommage à Philippe Lacoue-Labarthe est précédé d’un ensemble conséquent intitulé Le Simple. Le lecteur y cheminera aux côtés de l’âne Balthazar, de Robert Bresson, contemplera son œil noir, « son regard suspendu et absent ». Il observera les ébats des Idiots de Lars von Trier, cinéaste roué qui cherche par des moyens sophistiqués à donner l’illusion du simple. Il regardera aussi, avec les yeux de Félicité, les cieux s’emplir du vol de Loulou, le perroquet d’« Un cœur simple » de Flaubert et saisira le moment où advient la « vision », où elle s’impose au langage et devient quelque chose qu’on appelle « littérature ».
L’Animal N°19/20, 294 p., 29 € (6, rue Béguin 57000 Metz)