Luna Park N°4 (Nlle série)
La nouvelle série de la revue Lunapark, dirigée par Marc Dachy, spécialiste du dadaïsme, maintient son cap. On y découvrira notamment deux pages de Savitzkaya sur l’arrêt de la pensée, la traduction et l’introduction de Jacques Demarcq aux extraits de Eimi (1931), livre de proses très critique de la vie en Union soviétique qu’écrivit Cummings après y avoir séjourné, ou encore trois études autour de figures du dadaïsme (Tzara, J. Rigaud, M. Janco). Mais c’est l’amorce du numéro qui est peut-être la plus émouvante, surtout quand on la lie aux ultimes textes de la revue : il s’agit de la résonance que trouvent les « instantanés » de Stéphane Mosès, disparu l’an passé à l’âge de 76 ans, avec les poèmes, dont « intérieur marocain », de son fils Emmanuel, ainsi qu’avec un texte bouleversant (« Je suis ») de Ruth Bindefeld Néray, rescapé d’Auschwitz. Éminent commentateur de Walter Benjamin, traducteur de L’Entretien dans la montagne de Celan, auteur du désormais classique L’Ange de l’Histoire (Rosenzweig, Benjamin, Scholem), Stéphane Mosès nous donne à voir dans ces fragments quelques séquences saisissantes. De l’Allemagne où il est né, dont il narre à Berlin en 1936 l’attente de l’émigration ; du Maroc et le camp de Sidi el Ayachi, – avec ses fantasias et ses « bataillons de cavaliers enveloppés de burnous blanc, beiges et noirs », – où sa famille est internée, l’esprit du pétainisme qui en 44 « continuait de souffler dans (…) la bourgeoisie coloniale » ; puis les études parisiennes de philosophie à Henri-IV, jusqu’à mai 68 où il marche au bras de son ami Celan, dernier moment où ils se verront. Des instantanés que l’on espère un jour rassemblés, qui nous renvoient à Enfance berlinoise de Benjamin.
Lunapark N°4 192 pages, 20 € - revuelunapark@msn.com