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Domaine étranger Tempête sous un crâne

octobre 2008 | Le Matricule des Anges n°97 | par Marta Krol

À travers le trouble existentiel d’un prof, Dag Solstad montre comment une langue experte et une pensée percutante font de la littérature.

Honte et dignité

Une nouvelle fois, l’éditeur livre au lecteur français un texte remarquable par sa tenue comme par sa teneur (et aussi par sa présentation soignée). Nouveau venu dans la sphère francophone, Dag Solstad, né en 1941, est un auteur norvégien largement reconnu et primé non seulement dans son propre pays. Il prête la voix, dans ce récit, à « un professeur agrégé un soupçon soulographe », dont il s’octroie la licence de pénétrer les pensées à la manière du narrateur classiquement omniscient. Elias Rukla, il faut le dire, mérite qu’on s’y intéresse de près. Un personnage solidement construit dont la complexité se laisse deviner plutôt qu’elle ne s’exhibe, et que son discours hésitant, emberlificoté, à la fois dévoile et obscurcit. C’est, en gros, « l’histoire d’un mec » qui a pété les plombs, un jour, lorsque l’impériale indifférence de ses élèves, imperméables à ses tentatives de les intéresser à l’œuvre d’Ibsen, a fini par avoir raison – un détail matériel aidant – sur ses propres défenses psychiques, mises en place depuis des années d’exercice de son métier. L’histoire elle-même est du reste assez minimaliste ; car la valeur du livre ne réside pas dans l’intrigue mais dans la présentation des faits, éclairés à l’aide d’événements passés et surtout d’analyses du protagoniste. En effet, le catastrophique passage à l’acte entraîne, on s’en doute, une crise existentielle majeure, et occasionne un retour sur le passé de l’homme, un passé en somme ordinaire - celui d’un homme diplômé, en force de l’âge, vivant en couple dans une grande ville et astreint tous les jours à la routine de son métier.
Les questions importent davantage
que les réponses.


À travers la figure emblématique (mais non caricaturale) du professeur en mal de reconnaissance, c’est la condition même de l’homme moderne, dans des sociétés occidentales, qui se trouve analysée. Pourquoi la jeune génération, se détourne-t-elle de manière si radicale de ce qu’on lui enseigne ? Pourquoi la littérature souffre-t-elle d’un discrédit toujours plus important ? « Le problème fondamental (…) était que, ces connaissances qu’il se devait lui de leur dispenser, eux n’étaient pas en mesure de les recevoir. » La rupture ainsi engagée d’avec la culture, et la solitude de l’individu qui s’ensuit, peuvent-elles connaître une solution ? Pourquoi la société, à travers ce qu’elle dispense comme message médiatique, se détourne-t-elle subrepticement de toute une génération imprégnée des valeurs humanistes ?
La problématique ainsi reformulée de Dag Solstad est vaste, grave, et authentique. Mais elle ne pèse guère, car la prose qui s’en empare ne s’en laisse pas dominer. L’auteur aborde ses interrogations de manière indirecte et subtile, à travers l’expérience et le commentaire du personnage, et sans sombrer dans de vains réquisitoires. À l’encontre du discours ambiant, Elias Rukla s’efforce avec finesse d’analyser les ressorts profonds de son mal-être, et évite le piège de la plainte et de l’accusation stériles. Sa volonté de comprendre la situation et l’insatisfaction, par exemple, de ses élèves, conjuguée à son bagage intellectuel certain, produit un raisonnement humble, où les questions importent davantage que les réponses. Aussi l’auteur maîtrise-t-il parfaitement son objet comme son outil ; la langue est dense, le vocabulaire précis, les phrases longues, les incises nombreuses, mais le lecteur ne s’y perd pas et ne connaît pas l’ennui. Au contraire, on se laisse guider avec confiance et plaisir à travers les méandres de cette écriture exigeante, et qui ménage souvent des pointes d’humour incisif et d’ironie que l’on aurait envie de qualifier de nordiques. En attendant de nouvelles traductions.

Honte et dignité de Dag Solstad
Traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud
Les Allusifs, 184 pages, 16

Tempête sous un crâne Par Marta Krol
Le Matricule des Anges n°97 , octobre 2008.
LMDA papier n°97
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LMDA PDF n°97
4,00