Les éditions Esperluète ont eu plusieurs naissances. La première, en 1994, est plus symbolique qu’historique. Anne Leloup est alors graphiste et plasticienne. Cette artiste, fille de néerlandophones installés en Wallonie, expose ses lithographies et ses gravures en même temps qu’elle travaille en free-lance pour des agences. Elle fréquente, parfois, le restaurant Buls à Bruxelles. Au point de vouloir faire un livre : Desserts du Buls à partir des recettes de l’établissement. Drôle d’idée : le livre comme lieu d’une rencontre. D’où, rapidement, l’envie de le publier à l’enseigne de l’esperluète, cette 27e lettre de l’alphabet - & - qui évoque justement la rencontre et dont l’orthographe, aujourd’hui encore, n’a pu figer la graphie : esperluète, esperluette… Anne Leloup se réjouit d’un nom aussi réfractaire à la norme : « et j’aimais cette idée de lien, de rassembler des univers différents ».
En 1997, c’est-à-dire, très peu de livres après, la jeune éditrice décide d’ouvrir son catalogue naissant à la littérature, avec le soutien, notamment de l’écrivain Eddy Devolder qui fut son professeur aux Beaux-Arts. Mais pour Anne Leloup, Esperluète n’est vraiment née que vers l’an 2000 quand sa fondatrice décida de professionnaliser la structure éditoriale. La maison d’édition si elle est née de manière presque anecdotique s’est donc constituée petit à petit un véritable catalogue. Les premières années auront permis de réfléchir aux sens à donner à l’entreprise, à affirmer le « désir de montrer le travail d’artistes dans autre chose que des livres sur l’art ou des monographies qu’on fait généralement quand l’artiste a déjà sa carrière derrière lui. » Ses livres, en effet, donnent une grande place au travail de plasticiens, dessinateurs, illustrateurs…
Son accent belge est souvent imperceptible, du moins tant qu’Anne Leloup ne parle pas des années 90 qui deviennent alors les années nonante. Ses livres, en revanche, sont immédiatement reconnaissables : soignés, ils couvrent des champs très variés, allant du livre accordéon à colorier au roman, en passant par la poésie, bien sûr, et les livres graphiques dont certains seront rangés un peu hâtivement au rayon de la littérature jeunesse. Elle reconnaît être arrivée dans ce métier « sans rien en connaître. C’était un peu casse-cou et un peu naïf », mais dès le départ, elle a choisi « instinctivement » des formats et une qualité de papier auxquels elle va se tenir. Eddy Devolder, qui avait cessé de publier, revient grâce à elle à la littérature et prend la direction d’une collection symbolique de la démarche de l’éditeur : la collection de très courts récits « Hhistoires » propose « des petites histoires de la grande histoire », des destins individuels pris dans la folie du monde comme celui de La Petite Sœur de Kafka (20 pages) de François David accompagné magnifiquement par des dessins d’Anne Herbauts. La maison d’édition alterne les publications en « Cahiers » (collection de petits formats...
Éditeur Chemins de rencontres
Alternant littérature et livres graphiques, les éditions belges Esperluète aiment relier l’écrit à l’image. Leurs livres, plein de silences que les lecteurs peuvent investir, sont autant d’espaces de liberté pour penser, par l’émotion, le monde actuel.