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Choses vues Un beau cadeau

janvier 2009 | Le Matricule des Anges n°99 | par Dominique Fabre

Ces derniers temps dans le parking au sous-sol de notre immeuble un type dormait dans sa voiture. On en a mis du temps à se parler ! Si, il avait un vrai boulot. Il avait eu une mauvaise passe. Il ne trouvait pas d’appartement. Il payait de nouveau sa pension alimentaire mais il ne pouvait pas recevoir ses enfants dans le parking pour Noël ! Les fêtes lui causaient bien du souci, il m’a dit. Il gardait parfois bon espoir, au milieu de la nuit, des gens qui pourraient lui prêter un appart pour quelque temps. Un copain l’aider pour une caution. Ce type là, aux aguets, dans le parking de l’immeuble, tard la nuit.

Elles font un peu mesquines les décorations du quartier. Les commerçants ont l’air de s’être donné le mot : ne pas avoir trop l’air cossu cette année. C’est tendance. Mais sur les tours de la porte d’Ivry on voit quand même des pères Noël, des gros bonhommes en rouge qui montent à l’assaut des façades, comme des genres de pompiers très intérimaires avec des postures d’astronautes, accrochés aux fenêtres. Et derrière ces fenêtres tout le reste qu’on ne voit pas. Dans les caves. Sous les voies du périphérique. Dans les gares.

Je prends assez régulièrement le Rer, zone 6, je me rends au terminus à une heure vingt de route de Paris gare de Lyon. C’est un Rer omnibus, pour la semi-campagne qui ne sent jamais tout à fait le bon air. À chaque gare il y a au moins un campement de caravanes, ce ne sont pas que des Roms qui vivent dedans. Elles n’étaient pas si nombreuses avant. Les gens s’organisent comme ils peuvent. Dimanche dernier des guirlandes d’ampoules accrochées entre les roulottes et au grillage de la gare, j’avais jamais vu ça avant. On était seulement au fin fond de l’Essonne. On avait un ciel tout gris, beaucoup de vent, et alentour on aurait dit ailleurs mais où, je sais pas exactement.

Les mômes dans les lycées nous donnent le bon exemple ces derniers temps. Ils font plaisir à voir, grâce à eux, on se remet à espérer. Le froid ne les a pas empêchés de se bouger les fesses et c’est un plaisir de les entendre crier on n’est pas fatigués ! on n’est pas fatigués ! pendant leurs manifestations. On est tant d’autres à avoir juste envie de se coucher en attendant l’année prochaine, qui d’ailleurs n’est pas loin d’ici. Quelques journées rapides, un petit frisson comme quand on va avoir la neige sauf qu’à Paris, on n’en a pas. Et hop, c’est parti, ou c’est fini, ou les deux. Mais bref, les lycéens nous font quand même un beau cadeau de s’égosiller comme ça. D’ailleurs notre vieux gosse de riche de président ne s’y est pas trompé, qui a tout remis à plus tard. L’année prochaine quoi. Il va s’en passer des choses peut-être bien. On se le souhaite ? On l’attend ? Yes. (ça fait si longtemps qu’on l’attend)

Je suis allé rôder dans le secteur des grands magasins décorés comme chaque année, pourquoi je ne sais pas. Ils ont transformé les galeries Lafayette en palais des mille et une nuits, avec des milliers de loupiotes sur les façades. Trop chouette ! Par contre je suis pas allé regarder le Brummel, un des magasins du Printemps à côté. De retour chez moi, à la radio, je me suis rendu compte qu’ils cherchaient des explosifs dans le Brummel au moment même où je cherchais des yeux Shéhérazade avant les soldes de janvier, et mes souvenirs d’enfance, quelque part sur les façades illuminées des Galeries Farfouillette. Passage du Havre, les intégristes mâchouillaient leurs cantiques devant l’église Saint-Louis d’Antin juste à côté des réformateurs du système financier (L’arnaque du siècle ! Gérard Majax l’aurait même pas imaginé !). Tout près, gare Saint-Lazare, ils en sont à refaire la salle des pas perdus. Merde, mais ça n’aura plus rien à voir je me suis dit. Où est-ce que j’irai perdre mon temps ? Le choc que ça m’a fait. Faudrait qu’une année chasse plus que l’autre, parfois, faudrait qu’une année en chasse plusieurs d’avant ? Non, faudrait pas. Alors quoi.

Depuis quinze jours mon voisin le jardinier s’occupe d’un petit chat gris abandonné, dont il entretient les dames, en leur indiquant une vague ombre dans les buissons de la verdure de la ligne de petite ceinture. Sur le coup certaines sont un peu fâchées, qui ne comprennent pas tout de suite ce dont il parle exactement. (Chatte, il leur dit avec sa voix plutôt rauque, chatte, minou minou, en désignant une ombre par-derrière le grillage) Ça doit prêter à confusion. Lui il attend déjà le printemps pour planter. Il y a cinq soirs, je suis passé dans le parking d’où le type était parti, je suis redescendu la nuit suivante pour en être sûr. C’était très important pour lui de trouver un endroit où accueillir ses mômes pour les fêtes. Ça m’obsédait : comment il restait sans rien dire au milieu du parking, assis dans sa voiture dont il écoutait la radio. Ciao l’ami, j’espère que tu reviendras plus jamais. On a des joies rien que pour soi, et, sans raison de se les dire, des grands espoirs de nouvel an. Chacun les siens, les mêmes aussi, souvent. Alors voilà.

Le dernier jour de classe. Les mômes ont fait des caricatures au tableau. On a braillé Hit the road Jack et American boy de la chanteuse Estelle. À la fin du cours Koumba, Majouba, Claire, Clara et Mauricette sont venues m’offrir une tulipe, une vraie tulipe dans un papier crépon, avec un joli fil autour et un petit mot. Elle était un peu ouverte mais elle se tenait bien ce matin, msieur, elle est jolie vous trouvez pas ? Je n’ai pas eu le temps de leur dire merci, elles s’étaient déjà envolées ! M’est avis qu’on aura du bon temps cette année, pour démarrer si bien que ça. Et elles, et eux, et nous aussi évidemment. En tout cas c’est bien parti. Bonne année !

Un beau cadeau Par Dominique Fabre
Le Matricule des Anges n°99 , janvier 2009.
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