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Vu à la télévision Incrustes

février 2009 | Le Matricule des Anges n°100 | par François Salvaing

Qui a dit que le Diable gît dans les détails ? Ce détail-là, Timothée (étymologiquement : Celui qui craint Dieu) l’a oublié, mais quant à traquer le Diable, comptez sur lui. Par exemple, à ses yeux le Diable manipulateur sait se glisser jusque dans les incrustations (familièrement incrustes), ces quelques mots quelque part sur le téléviseur censés dater une scène, situer la personne ou le paysage à l’image. Chutes du Niagara. Et : Patrick Devedjian, ministre de la Relance. Ou encore : Centre de rétention de Vincennes, hier. Et : Patrick Devedjian / président du Conseil général des Hauts-de-Seine. Ou même : Gaza, ce matin. Et : Patrick Devedjian / président du Conseil d’administration de l’E.P.A.D. (Etablissement public pour l’aménagement de la région de La Défense).

L’incruste prétend à l’objectivité et l’offrir à la séquence qu’elle orne. L’air de rien, elle oriente l’écoute et la vision. Belle lurette que Les Guignols de l’info ont détecté ça, et leurs incrustes sont un des délices favoris de leurs fans. Johnny Hallyday / Ah Que. Bernard Tapie / Burnes sévères. Bernadette Chirac / Pièce jaune… Timothée bat des mains. Mais ailleurs, vigilance ! Pourquoi, cette fois-ci, l’incruste donne-t-elle l’appartenance politique du maire de N… ? Pourquoi cette fois-là se borne-t-elle à signaler sa fonction ? Parce que dans le premier cas, l’événement commenté paraît (dé)favorable à cet édile, à son parti ? Et dans le second, au contraire ? Serait-il possible ? Timothée grince.

Par quelle procédure, par exemple, s’est conçue, décidée, exécutée cette incruste du soir où, souhaitant aux magistrats la bonne année, le Présidentissime a décrété l’anéantissement du juge d’instruction. Le reporter officiant a interrogé deux hommes de robe, l’un pour, l’autre contre. Un juge contre, un avocat pour. Lambda / magistrat, soit. Mais Thierry Herzog / avocat sans autre précision !!! Le téléspectateur est prié par l’incruste de ne pas se rappeler que ce fervent défenseur de la toute fraîche excommunication présidentialissime est, par ailleurs, l’avocat personnel du Présidentissime. C’est Me Herzog qui, au nom de son auguste client, a porté plainte contre un porteur de pancarte qui avait osé reprendre à l’adresse du Présidentissime Casse-toi connard, une apostrophe pourtant ennoblie par le chef de l’État lui-même. Est aussi, Thierry Herzog, l’avocat qui, toujours au nom du Présidentissime, a voulu voir cloués au pilori par la justice d’espiègles fabricants de poupées, façon vaudou, à l’auguste effigie. Thierry Herzog avocat !!! N’y avait-il pas d’autre ténor que celui stipendié par l’Élysée, pour louanger l’élyséen ukase ? Les paresseux ! Les pleutres ! Ne savait-on pas le lien Sarkozy-Herzog, ne s’en souvenait-on pas ? Les ignares ! Les incompétents ! Ou savait-on, mais sans remarquer d’inconvénient, de conflit d’intérêt ? Les jobards ! Ou savait-on mais les cyniques ! circulez, rien à savoir, petits payeurs de redevance ! Pour une incruste, Timothée est capable de transformer son zapper en arme par destination.

Soyons justes : pour une incruste également, Timothée peut soudain porter aux nues tel qu’il tenait jusque-là en méfiante considération. Ainsi de Yann Arthus-Bertrand. Un photographe dont il reconnaissait le sens planétaire du commerce, mais dont l’humanisme lui paraissait pâlichon, trop consensuel pour être honnête. Aux apparitions, depuis dix ans, de ce doux homme argenté, Timothée était partagé entre le bâillement et un sarcasme qui, pourtant, ne trouvait pas aisément prise, l’Arthus s’avérant ondoyant.

Reste que l’autre lundi, sommé à sons de trompe d’assister à une soirée d’exception, Timothée se cale dès 19 heures dans son canapé, armé de pizzas dont il ne jurerait pas, à ce moment-là, s’il les engloutira toutes ou en propulsera quelques-unes sur son téléviseur. Six milliards d’autres, ça s’intitule et ça va durer jusqu’à minuit. Cinq mille interviews dans soixante-quinze pays… Vingt fois pendant la diffusion, ces chiffres s’incrusteront, sans doute pour écraser dans l’œuf la naissance d’une objection. Il y en a eu des extraits depuis des semaines dans notre grand quotidien du soir, il s’en ouvre simultanément une exposition au Grand Palais à Paris, et on peut y revenir encore sur un site Internet.

Timothée se détend, très vite. Noirs, jaunes, jeunes, blancs, bistres ou cacochymes, des êtres humains parlent de leurs relations au monde, aux autres, au passé, aux rêves… Gais, graves, légers, drôles ou bouleversants. Un homme se souvient de l’instant de sa naissance, un autre de l’odeur de sa mère. À la question de savoir si elle est libre une femme déclare qu’elle s’abstiendra de répondre, une autre qu’autour d’elle on ne vit que pour manger. Etc. Cinq mille interviews dans soixante-quinze pays. Les hommes sont divers, l’humanité est une, et les platitudes au rendez-vous. N’empêche, pour Timothée, l’émission est colorée d’une lumière de résistance. Par ses incrustes. Au lieu de caractériser chacun(e) par son origine nationale, elles enfoncent (Vit en Australie Vit au Mali / Vit au Mexique /…en France /… au Pakistan /… en Pologne /…en Egypte), des heures de rang, le même clou subversif : que le sol où l’on vit doit prévaloir sur le sang d’où l’on vient. Dédié à Hortefeux, Besson et à leur Présidentissime. Et diable d’Arthus-Bertrand !

Incrustes Par François Salvaing
Le Matricule des Anges n°100 , février 2009.