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Domaine étranger Résister au fil des ans

mai 2009 | Le Matricule des Anges n°103 | par Sophie Deltin

La réédition, en guise d’hommage, de dix fictions (1965-1989) de Christa Wolf ou le portrait en creux du combat d’un écrivain à l’épreuve de la durée.

Aucun lieu. Nulle part (suivi de) neuf autres récits 1965-1989

Le rassemblement dans un seul ouvrage de dix récits fictionnels, certes déjà plus ou moins connus par le public français, a le mérite d’offrir une mise en perspective d’une œuvre invariablement marquée par l’esprit de résistance. Née en mars 1929 à Landsberg (aujourd’hui située en Pologne), Christa Wolf qui vient donc de fêter ses 80 ans, a vécu les seize premières années de sa vie sous la botte du IIIe Reich, puis a connu la fuite devant l’Armée Rouge - les adieux à sa ville natale, l’effroi de l’exode, la rencontre avec la mort, elle les relatera dans Changement d’optique (1966). Expérience fondatrice, propre à toute une génération qui comme elle voit alors dans la naissance d’un État « antifasciste » l’occasion de réparer la résistance manquée contre le nazisme. Fervente communiste, jeune écrivain membre du Comité central du Parti socialiste unifié (SED), elle croira longtemps en la possibilité de ce renouveau démocratique. À l’automne 89, à la chute du Mur, alors que dans un ultime soubresaut d’enthousiasme, elle exhorte encore ses compatriotes à rester pour créer une RDA indépendante, celle qu’on présente toujours comme la figure de proue du régime socialiste a pourtant derrière elle un long parcours de désillusions, de colères et de distanciations avec le pouvoir - dès novembre 1965, lors du 11e plénum du parti, où son opposition à la ligne du réalisme socialiste lui vaut la mise sous surveillance par la sécurité d’État, la Stasi. Écrit en 1979, dans le sillage mouvementé de l’affaire Biermann (du nom de ce chanteur déchu de sa nationalité et expulsé), Ce qui reste constitue un témoignage sur la crise, d’identité et de langage, que traverse l’écrivain, qui se sait épier « en plein jour et aussi la nuit, été comme hiver », par des hommes postés dans la Friedrichstrasse où elle habite. Retouché en 1989, après les accusations sur son travail au compte de la Stasi entre 1959 et 1962, et paru en 1990, soit quelque temps après la réunification et en plein débat sur l’accessibilité ou non à ceux qui le souhaitaient des archives de cette même Stasi, ce livre suscita une polémique violente. Dénigrée, calomniée, Christa Wolf sera en fait régulièrement la cible de règlements de comptes politico-littéraires.
Donné judicieusement comme titre au recueil, Aucun lieu. Nulle part, écrit et publié en 1979, est finalement emblématique de la situation douloureuse de l’écrivain qui fit le choix de rester coûte que coûte dans son pays en RDA, « le dos au mur », sans parvenir jamais à le réformer de l’intérieur - ayant toujours exclu l’alternative tout aussi aliénante de vivre à l’Ouest. Intense par sa façon de tresser dialogues et monologues intérieurs, ce récit, sans doute l’un des plus mémorables du recueil, met en scène une rencontre imaginaire, par delà toute attraction amoureuse, entre Heinrich von Kleist et Caroline von Günrröde. Deux natures absolues, deux étrangers parmi les hommes, à la solitude insoluble, et dont la fêlure ardente, en partie nourrie du chaos de l’Histoire leur interdit de trouver un lieu sur terre, une forme vivable de bonheur - une impasse, de laquelle ces deux grands suicidés de la société s’arrogeront le droit de sortir. Grâce à cette projection métaphorique, sous le ciel de l’utopie - le détour par une époque révolue s’avérant le seul moyen de contourner les injonctions du parti - Christa Wolf ne pouvait mieux réussir à parler d’elle et du désarroi qu’elle endurait alors au présent, dans son propre pays.

Aucun lieu. Nulle part et neuf autres récits (1965-1989) de Christa Wolf
Traduits de l’allemand par Alain Lance, Renate Lance-Otterbein, Ghislain Riccardi, Yasmine Hoffman, Maryvonne Litaize, Lucien Haag et Marie-Ange Roy, Stock, « La Cosmopolite », 700 pages, 25

Résister au fil des ans Par Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°103 , mai 2009.