Poétesse, prosatrice, revuiste depuis plus de trente ans aux côtés de Jean-Jacques Viton (avec qui elle a fondé et dirigé Banana split, puis If en compagnie de Henri Deluy et Jean-Charles Depaule), traductrice et photographe, Liliane Giraudon publie ici le second volet d’une « homobiographie » entamée il y a presque dix ans avec un livre au titre éponyme (et co-réalisé avec la Cosmetic Compagnie, éditions Farrago, 2000). Le mot, passé désormais en sous-titre, inscrit le travail dans l’immense labyrinthe de la mémoire, l’attachant à tous les rapports d’une vie supposée d’écrivain. La lecture, les rencontres, les voyages, la notation rapide, la réflexion, la maladie, les joies naïves et enfantines, construisent dans la variation de différents champs formels (vers, blocs de proses, jeux de constructions internes sur chaque page) un rapport à la vie, c’est-à-dire aussi à ce qui toujours nous dépasse. Selon ce que Gilles Deleuze disait de la littérature et de sa fabrique, cette confrontation fait germiner par le milieu d’une racine quelque chose qui l’opposera à sa propre naturalité : il s’agit, et La Poétesse y reste fidèle de bout en bout, de laisser remonter à la surface des mots le moment (le kairos, l’opportunité) d’une transmission plus forte que ce que nous en imaginions. Lorsque Liliane Giraudon écrit dans la section « Clara Walker n’est pas Joséphine Baker » « Pourquoi battre un cheval mort/ ils ont repris le jour sans lui/ peut-être neuf ôté de dix/ Lancelot encore avance/ cette fois étendu sur l’herbe/ c’est comme réapprendre le néant » et lance dans « Ma chérie je t’ai fait des phrases trouvées partout » « Hier je dis que j’ai ce qu’il faut/ pour mourir. Il dit qu’il est/furieux », on passe subrepticement d’un poème impersonnel où la mort de l’animal est interrogée à la propre décision de mettre fin à ses jours. Le fuseau par lequel les mots s’engouffrent crée une reconduction possible entre le néant ouvert par la bête et ce qui dans notre existence appartient aux choix libres du vivant. L’équilibre que tro
LA POÉTESSE (Homobiograhie)
de LILIANE GIRAUDON
P.O.L, 128 pages, 13,50 €
Poésie La poétesse
juin 2009 | Le Matricule des Anges n°104
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
La poétesse
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°104
, juin 2009.