Fruit des collections déposées à l’Institut Mémoire de l’édition contemporaine (IMEC), l’exposition consacrée à la vie littéraire sous l’Occupation, actuellement prêtée aux États-Unis, voit paraître ce qui peut être considéré comme son catalogue : une compilation raisonnée de documents largement inédits. Préparé par Claire Paulhan, Olivier Corpet et l’historien Robert O. Paxton, l’ensemble nous fait donc, parfois en sourdine, parfois en un verbe éclatant, le récit panoramique de ce que fut la vie littéraire sous l’Occupation, ses « faits vrais », petits ou grands, ses idées de la zone occupée ou de la zone « nono » (non-occupée), ses ombres, ses codes et ses secrets. De Charles Maurras à Pascal Pia, la plupart des signatures notoires de l’époque sont présentes à travers les fac-similés souvent colorés des photographies, des dessins, d’une profusion de lettres, de couvertures de livres ou de revues, d’articles de presse, de notes, tracts, billets, pièces d’identité et autres formulaires administratifs, soit six cent cinquante créatures de papier sauvées de la destruction, et toujours bavardes, soixante-dix ans plus tard.
Spécialiste de la littérature française du siècle dernier, Claire Paulhan fait figure d’experte en matière d’archives. Éditrice depuis la fin des années 1980, elle a créé en 1996 sa propre maison où elle porte un soin extrême à éclairer le plus finement possible les écrits autobiographiques et les correspondances qu’elle produit. Une interlocutrice idéale pour comprendre comment il convient d’appréhender de tels documents.
Que nous apprennent de nouveau les archives présentées aujourd’hui sur le comportement et les réflexions des écrivains durant l’Occupation ?
D’emblée, il nous a paru important, d’une part de rappeler la place de l’écrit dans le dispositif de la Seconde Guerre mondiale, d’autre part de montrer, à travers un maximum d’images d’archives, le rôle historique de ces mots : les manuscrits, les dactylogrammes, les lettres, les circulaires, les journaux, issus des fonds d’archives, d’écrivains ou d’éditeurs, pour l’essentiel conservés à l’IMEC, nous transmettent à première vue une charge d’émotion, qui risque de brouiller leur contenu. C’est là où l’esthétisme de l’archive, sa beauté graphique, sa fragilité parfois, peuvent se révéler trop séduisantes… Mais si on arrive à les décrypter sans les surinterpréter, à les contextualiser précisément - ce que nous avons tenté de faire dans cet ouvrage - les archives nous donnent des informations historiques réalistes, celles précisément dont disposaient les intellectuels de l’époque. Elles nous donnent à lire l’histoire, et parfois la « petite histoire », que les historiens ont tendance à oublier : pris dans une perspective contemporaine, lestés de tout ce que l’on sait aujourd’hui sur la période après les nombreux travaux des uns et des autres, ils courent en effet le risque de l’anachronisme ou du contresens, comme le souligne très justement Robert...
Entretiens Vertus de l’archive
septembre 2009 | Le Matricule des Anges n°106
| par
Éric Dussert
Une compilation de documents produits durant l’Occupation offre un jour perçant sur les idées et les mœurs de l’époque. Décryptage par Claire Paulhan.
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