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Domaine français L’expérience du miroir

octobre 2009 | Le Matricule des Anges n°107 | par Benoît Legemble

Durant la Seconde Guerre mondiale, un sous-marin allemand part en mer pour une mission secrète. Un récit de Robert Alexis sur la nature humaine et le sacrifice.

En seulement cinq romans, Robert Alexis s’est vu acquérir une solide réputation ainsi qu’un lectorat fidèle. Un phénomène amplement mérité tant le travail accompli se veut dense et diversifié, à la recherche d’une représentation hétérogène apte à retranscrire la réalité de l’être. Dans son nouveau récit, il raconte le parcours du U-Boot 823 et de son équipage à travers l’Atlantique. Mastodonte des mers, le sous-marin « produisait la peur et la fascination, l’émoi qu’on éprouve face à la démesure : montagnes cernées par l’orage, tempêtes fabuleuses, bêtes mythiques… Tout ce qui échappe aux proportions humaines trouvait soudain la possibilité d’un lieu. » Pourtant, si les proportions gigantesques de la machine suscitent l’inquiétude, c’est bel et bien des hommes qui l’habitent que viendra l’effroi. Alexis se focalise ainsi sur la trajectoire d’une génération vouée par avance au chaos.
Que dire en effet de la jeunesse de Kassel, entre inceste et travestissement ? Ou encore de Müller, enfant sans instruction congédié du lycée et dont la conversion se fait dans l’expérience de l’ostracisme ? Müller manifeste très tôt son désir de rompre avec l’asservissement de l’individu au nom de l’ordre public. Il rencontre Dieu à ce moment-là, mais l’idylle se veut de courte durée puisque sa sœur agonise peu de temps après. S’en suit une lente descente aux enfers. Avec ses acolytes Magath et Blott, originaires de la même ville que lui, ils sèmeront la terreur auprès des juifs du quartier. La montée en puissance de la pulsion de mort au sein de la bande n’est d’ailleurs pas sans rappeler Enfants et meurtriers d’Hermann Ungar. On y retrouve la même barbarie, la même pente glissante qui mène les personnages au crime irrépressible et à l’esprit de domination. Alexis évoque leur itinéraire pour mieux nous dire la chute à venir d’une humanité complètement à la dérive. Car après tout, ce sont ces voyous qui constituent l’équipage du U-Boot. Mais le romancier ne jette jamais un regard moral sur ses personnages. Ainsi est-il écrit : « Ce que d’aucuns nommaient la cruauté n’était que la réponse aux violences endurées depuis les origines : la matière, les maladies, l’accablant destin de la mort. » Y a-t-il une justification ontologique au désastre et/ou biologique ? L’issue ne peut être au final que catastrophique. Pourquoi sont-ils là, eux, les déclassés ? Pourquoi les a-t-on acceptés ? Parce qu’ils sont de la chair à canon, de ceux dont le destin importe peu.
Aussi ne savent-ils pas l’ordre de mission, tenu secret par le capitaine Koszalin. En vérité, et ils ne le découvriront que plus tard, il s’agit pour l’armée allemande de détruire Boston. Mais rien ne se passe comme prévu. L’équipage est décimé, seuls quelques chanceux survivront aux estocades du Catalina. Les survivants ne voudront pourtant pas abandonner le sous-marin. Ils souhaitent en fait mener à terme la mission, après avoir échoué sur une île d’Amérique du sud. Complètement désincarnés, ils semblent voués à leur cause comme à « un Dieu de vengeance ». S’ils ont été choisis, c’est après tout pour leur désespoir. Ce sont des « âmes vouées à la perte » comme le dit Alexis. Une logique entropique de destruction des systèmes sert ainsi de fil conducteur à la narration, comme si tout était appelé à se dissoudre, à s’effacer. Il émerge du roman une consistance quasi romantique. Le U-Boot apparaît tel une sorte de vaisseau fantôme sacrifié à l’Histoire avec son équipage maudit. Au final, Alexis se joue des genres avec toujours autant de virtuosité, entremêlant le roman de formation et le récit d’aventure. Un seul regret subsiste, purement subjectif celui-là : le dénouement aux accents forcés de Robinson Crusoé. Si le mal est en l’homme, celui-ci mérite-t-il d’être sauvé ?

U-Boot de Robert Alexis
José Corti, 190 pages, 16

L’expérience du miroir Par Benoît Legemble
Le Matricule des Anges n°107 , octobre 2009.
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