Avec le temps, ce grand escogriffe de Quim Monzó (il est né en 52) développe encore plus de férocité, d’ambiguïté et de sensibilité. La puissance de dévastation de son ironie atteint aujourd’hui le niveau sardonique supérieur et ses manières de grand adolescent toujours en train de se foutre du monde irritent passablement. Pourtant, Monzó est de plus en plus à l’affût de ce monde, jusqu’à s’y cogner, sombrer dans la folie et l’auto-destruction comme les personnages sans noms de son dernier recueil Mille crétins. La nouvelle « Je regarde par la fenêtre » est la plus révélatrice. « Pendant tout le temps que j’ai passé à regarder par la fenêtre… Je n’ai pas pensé, par exemple à la vie que je mène d’habitude, ni à la façon dont, au lieu de jouir des choses comme elles se présentent, je passe mes journées à ruminer comment elles devraient être. » Contempler pour éviter l’angoisse de vivre ou vivre de manière effrénée pour éviter l’angoisse de la perte de temps ? D’autres spectacles du monde que propose l’écrivain catalan se jouent dans nos sangs et dans nos gênes. Notamment, les maisons de retraite où l’on parque nos parents. Avec brio, pudeur et sarcasme, il nous interroge avec « Monsieur Beneset » sur l’envers du monde. Un fils rend visite à son père qui passe l’essentiel de son temps à se travestir en femme. Vivre, mourir, vieillir quelle normalité ? Avec « L’arrivée du printemps », un vieux couple à l’hospice confie à chaque viste du fils un nouveau scénario de suicide. Des nouvelles de plus en plus courtes, saillantes, prégnantes, métaphysiques qui nous rappellent l’absence d’issue possible et nous laissent entrevoir comme palliatif…. euh, peut-être la tendresse ?
MILLE CRÉTINS
de QUIM MONZO
Traduit du catalan par Edmond Raillard
Jacqueline Chambon, 148 pages, 16 €
Domaine étranger Mille crétins
novembre 2009 | Le Matricule des Anges n°108
| par
Dominique Aussenac
Un livre
Mille crétins
Par
Dominique Aussenac
Le Matricule des Anges n°108
, novembre 2009.