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Domaine français Les petites mains

février 2010 | Le Matricule des Anges n°110 | par Chloé Brendlé

Hélène Frédérick se livre à une fable fascinante sur le fantasme et la création artistique.

La Poupée de Kokoschka

Déçu, forcément déçu, le peintre Oskar Kokoschka, lorsqu’il reçut enfin la parodie monstrueuse de son ancienne amante Alma Mahler, la poupée grandeur nature qu’il avait commandée à Hermine Moos. Le premier roman d’Hélène Frédérick en revanche, qui s’inspire de cette singulière anecdote historique, et revisite le mythe et les avatars de la femme modelée, muselée - depuis la Galatée de Pygmalion jusqu’aux inavouables poupées gonflables en passant par la poupée mécanique d’Hofmannsthal - est une véritable réussite.
L’auteur tente de capter la matière indocile et fascinante du fantasme en inventant le journal d’Hermine Moos, costumière, fabricante de marionnettes - habituellement miniatures - et à l’occasion, prostituée, qui trouve en Oskar Kokoschka un nouveau « client » exigeant et imprévisible, et consigne ses recherches et ses doutes à son cahier.
Sans aucune fausse note, l’auteur nous fait entrer dans le délire bientôt partagé du fétiche et de son appropriation maladive. Le pari de ce premier roman ambitieux prend le relais du pari d’Hermine Moos : donner chair et sensualité à la folie d’un homme par-delà son obscénité, recréer pour qu’il la retrouve « sa muse, mieux encore, sa maîtresse ». Les désirs fous du maître nécessitent la réunion des matériaux les plus délicats et les plus insolites, du velours à la sueur de la costumière. La poupée, tour à tour surnommée par Hermine « Eva », la « femme silencieuse » ou encore « femme mensonge », devient peu à peu l’objet d’un désir double. Tandis que le « peintre K. » envoie des toiles, des croquis et des indications sur les mensurations d’Alma Mahler, et enjoint à Hermine Moos de s’inspirer de Rubens, celle-ci abandonne ses autres travaux pour se consacrer à la recréation d’une femme, depuis les traits du visage jusqu’aux os pelviens. Tandis que le peintre donne des esquisses contradictoires, la marionnettiste lui envoie en morceaux sa créature, pour qu’il juge sur pièce. Nourrie de la correspondance réelle entre le peintre et Hermine, la narration tisse en filigrane un pas de deux envoûtant. Blason de la création, plus encore que du corps de la femme aimée, la poupée devient une métaphore de l’irreprésentable, tandis qu’Hermine s’insurge : « Qui donc est l’absente de cette histoire ? Le vide en son centre ? Moi, Hermine Moos. Je suis le pivot dont personne ne parle. Je suis la seule à manipuler l’absence, à devoir en faire quelque chose, à devoir la façonner pour ressusciter ce qui ne peut plus être vivant, faute de l’avoir jamais été. »
Un livre sur la révolte et le désir féminins.
Car La Poupée de Kokoschka est avant tout un très beau livre sur la révolte et le désir féminins, et, comme en un deuxième tableau de ce qui serait un diptyque, offre le portrait d’une femme qui, dans l’Allemagne de l’après-Première Guerre mondiale, fume la pipe, et « pour qui la révolution se fait entre quatre murs ». Une femme qui confie à son cahier : « Si j’étais écrivain je travaillerais à l’élaboration théorique d’un érotisme joyeux, que je refuserais de signer d’un pseudonyme masculin en acceptant de devenir paria, ce que je ne suis déjà pas loin d’être. » L’alternance tout au long du récit entre le journal et des pensées de modèles posant pour le peintre, fait sourdre des paroles de femmes. Presque sans sortir de l’espace de plus en plus étroit et étouffant de la relation que le peintre et celle qui devient son obligée en viennent à entretenir par le biais de l’ « étrange entreprise », Hélène Frédérick parvient en même temps à suggérer tout un monde et une époque et à faire surgir d’entre les lignes un continent intérieur. Ce qui est au cœur du livre, c’est autant l’obscur objet du désir que l’avènement du sujet du désir. Et partant, de l’écriture.

La Poupée de Kokoschka de HélÈne Frédérick
Verticales, 220 pages, 18,50

Les petites mains Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°110 , février 2010.
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