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Domaine étranger Nuits turques

mars 2010 | Le Matricule des Anges n°111 | par Chloé Brendlé

Violent et incandescent, sous-titré « Histoire d’une vengeance », Tol est le premier roman de Murat Uyurkulak.
Ils pleurent, ils ont honte de leur chagrin, de leur colère, d’avoir été trahis par eux… Bien sûr, ils ont des comptes à rendre, pour leur chagrin, pour leur ennui, pour avoir survécu. Ils pleurent, ils comprennent qu’il n’y aura plus de bonheur pour eux et qu’ils ont tous deux une dette à payer au chagrin et à la colère… «  Les personnages du détonant premier roman de l’écrivain turc Murat Uyurkulak sont des âmes broyées qui cherchent à se venger, et à payer pour la  »malédiction d’être encore en vie « .
Années 90. Dans un train pour Diyarbakir, deux hommes se font face, s’agacent et s’apprivoisent. Deux enfants du coup d’État turc (celui de 1960 et celui de 1980), dont l’un joue les cyniques et l’autre se dit »inachevé « , laissé sur le carreau de sa propre vie par la répression. L’un est un poète et ancien activiste, l’autre, un écrivaillon et orphelin en partance. Tandis que le train traverse une Turquie secouée par les attentats d’une mystérieuse organisation, qui semble pourtant réduite à peau de chagrin, Yusuf, le plus jeune des deux hommes, lit les nouvelles que lui donne son compagnon. Tantôt récit d’une fuite, tantôt lettres, tantôt conversations, tantôt confession, tantôt portrait satirique comme celui du mol Atakan, critique littéraire pusillanime, ces petits contes disséminés à l’intérieur du roman finissent par se rejoindre et ne former qu’une seule histoire. Ils entrecoupent le récit en contre-chant jusqu’à ce que les époques se fondent, celle des premiers combats du poète Sair dans les années 70, celle du coup d’État en 1980, et celle de la »soi-disant « chute des murs et des hypocrites mesures d’amnistie prises par le gouvernement turc.
La phrase qui ouvre le roman,  »Autrefois, la révolution était une séduisante possibilité «  porte tout le sens du livre. Il s’agit en effet de ranimer la révolution rêvée jadis, à travers l’effeuillement d’histoires clairsemées, incomplètes, qui viennent ponctuer le récit, l’envahir, et finalement lui donner un véritable but. Les nouvelles permettent à la fois de recomposer les souvenirs, tout un chœur de voix étouffées, et de trouver une éner- gie pour l’avenir. Pour agir. Oscillation, hésitation entre la tristesse d’un sens éparpillé et la joie d’un futur possible, d’un soulèvement. C’est un récit de survie, rythmé par à-coups et par ellipses, par exclamations et par silences, comme un homme qui inspire bruyamment, une sorte de longue reprise de souffle. Parfois l’on s’y perd, mais l’on est du début à la fin happé par ces brumes presque oniriques, d’où émergent des figures ridicules et d’autant plus inquiétantes (comme le terrible frère à la solde de l’État), des drames bannis de la mémoire, des liens de sang et d’amour.
Dans ce roman violent, - dans les moments de lyrisme comme dans ceux de sécheresse -, il y a un septième étage qui ne touche pas le ciel mais plutôt les Enfers, des pigeons qui explosent, des amoureuses qui s’éclipsent hors de la mémoire. Il y a des cris, des trous noirs, des trous blancs, des phrases assassines, des débris de poèmes, des confettis d’espoir.
La grande réussite de ce livre est d’arriver à montrer le chaos de vies qui se sont délitées et la cohérence de leurs combats, de faire rejoindre le récit des pères (le père de Yusuf, révolutionnaire qui change de vie et de nom mais pas d’espoir, mais aussi les pères de toute une génération) et celui des fils. Murat Uyurkulak fait partie de la jeune génération prometteuse et révoltée des écrivains turcs, aux côtés d’Asli Erdogan (qui évoque aussi la torture, dans son ouvrage récent, Les Oiseaux de bois). Tol, qui signifie en kurde »mauvais garçon ", est un geste de rébellion en même temps qu’un serment de filiation. Ainsi, au terme du voyage en train (sorte de traversée du désert qui aboutit en terre kurde) et du roman, l’écrivain aura donné une voix collective aux âmes éparpillées de la révolution.

Tol de Murat Uyurkulak
Traduit du turc par Jean Descat
Galaade, 256 pages, 20

Nuits turques Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°111 , mars 2010.
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