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Domaine français Femmes d’influence

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Lucie Clair

Photo de groupe au bord du fleuve

Dans une lutte presque accidentelle pour défendre leur gagne-pain, un groupe d’Africaines déploie le panorama d’un continent clivé.Un grand conte persuade de la vérité de ce qu’il raconte. Un bon récit va avoir cet effet aussi « , disait Jacques Roubaud dans notre N°90. Le dernier roman d’Emmanuel Dongala - né en 1941d’un père congolais et d’une mère centrafricaine, il vit aujourd’hui aux états-Unis où il enseigne chimie et littérature - est de cette veine. Celle des épopées qui se perdent dans les mémoires, mais se murmurent au fil des générations, au gré des occasions. Difficile de ne pas croire que cette mère - auquel l’ouvrage est dédié - n’est pas un peu Méréana, femme puissante et déterminée, sensible et démunie, intelligente et naïve. Le roman s’adresse à elle, à la seconde personne du singulier : » Tu te réveilles le matin et tu sais d’avance que c’est un jour déjà levé qui se lève. « Par ce simple déplacement de la voix du narrateur aussi, le conte est en marche.
De nos jours, au Congo (sans que la localisation n’ait besoin d’être précisée avant longtemps), un groupe de femmes casse des cailloux au bord du fleuve. Travail de forçat, mais volontaire. Pour quelques milliers de francs CFA, et s’extraire de la misère. Les caillasses, achetées à vil prix (par des hommes), servent à construire des bâtiments, des routes. Et le nouvel aéroport international de la capitale, si gourmand qu’il menace de provoquer une pénurie de matière première. D’où enrichissement des intermédiaires par inflation du prix de vente. Mais pas celui d’achat. Elles se disent donc un jour que cette manne doit être partagée, et décident d’augmenter, timidement, le prix de leurs sacs de pierres. Répression, emprisonnement, tirs à balles réelles - sans avoir eu le temps de comprendre où cela les menait, bras de fer avec le pouvoir en place sur fond de » dixième anniversaire des rencontres des femmes de chefs d’Etats d’Afrique « . Tout le gratin onusien et humanitaire sera là - et les chaînes de télévision du monde entier. L’enjeu est de taille pour l’épouse du président » qui règne sur ce pays « depuis plus de trente-deux ans, et la » ministre de la Femme et des Handicapés « , qui se mêlent de l’affaire.
Rien de l’Afrique contemporaine n’est omis dans cette Photo de groupe au bord du fleuve. Au fil des jours de lutte, scandés par des extraits de journal radiophonique évoquant des faits authentiques, ces  » tâcheronnes qui vivent à la petite semaine «  apprennent à se connaître mieux - et dans un emboîtement narratif impeccable, chacune témoigne. De l’oppression des femmes,  » battues, répudiées au bon vouloir de leur mari, expropriées de tous les biens quand elles se retrouvent veuves « , violées par les soldats, abandonnées lorsqu’elles sont atteintes du sida à la suite des infidélités conjugales. De l’insécurité constante - face aux disparitions arbitraires, la  » première règle de survie dans ce pays, toujours avertir où l’on va «  - des humbles moyens mis en œuvre pour survivre face à la corruption, des réseaux secrets de solidarité qui transcendent les origines (et pan sur le bec du clanisme), des lacunes effroyables des systèmes de santé, d’éducation, de  » la misère de leur pauvre vie humaine jaugée à moins d’un dollar américain par jour ". Avec ces parcours de femmes en apparence si inaptes à se battre face aux grands de ce monde, mais déterminées, Emmanuel Dongala dresse avec amour, et jouant avec humour du registre des peintures naïves africaines, le portrait d’un monde contrasté, d’une réalité incontournable et universelle - celles des exploité(e)s et leur combat quotidien pour préserver, avec dignité, un espace de vie.

Photo de groupe au bord du fleuve
de Emmanuel Dongala
Actes Sud, 335 pages, 22,80

Femmes d’influence Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
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