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Domaine étranger Morts pour demain

juin 2010 | Le Matricule des Anges n°114 | par Jean Laurenti

Engagés dans un combat d’après la défaite, un groupe de maquisards refuse de se soumettre à la dictature franquiste. Alfons Cervera fait retentir leurs voix dans un roman porté par un souffle poétique.
Dans Maquis, la mort s’abat quelquefois sur les personnages avant que le lecteur ait fait leur connaissance. Ils meurent au combat contre les franquistes, surpris dans une embuscade ou exécutés. Une fois le cours de leur existence brisé, alors qu’ils n’étaient qu’un nom, une silhouette fragile arpentant un chemin de montagne, le temps vient de leur donner une vie, de dessiner le cours de leur destinée. Ainsi se déploie le très beau livre d’Alfons Cervera, poète et romancier né à Gestalgar, un petit village de la région de Valence, auquel on devine que la bourgade de Los Yesares, où cette histoire se déroule, doit beaucoup.
Maquis est un roman dont la chronologie et la narration sont éclatées, dispersées dans la mémoire de ceux qui ont vu, combattu, se souviennent et livrent quelquefois leur témoignage en même temps que leur dernier souffle. En 1939, la guerre d’Espagne se termine et la dictature s’installe, servie par des légions de serviteurs zélés, gardes civils, phalangistes, curés, notables, tous soucieux d’assurer au pays une prophylaxie politique et religieuse, une adhésion pleine et entière au dogme franquiste. Certains villageois se dressent contre l’ignominie, partent dans la montagne rejoindre le groupe du mythique Ojos Azules, et engagent contre le régime un combat tellement inégal qu’ils ne peuvent raisonnablement envisager une issue favorable. C’est que la raison ici n’est pas à son affaire : il ne s’agit pas tant d’abattre la puissance abjecte que de léguer, à ceux qui viendront après, quelque chose qui ne soit pas frappé du sceau de l’infamie. Maquis est un roman qui aborde sur un mode éminemment poétique autant que politique la question de la transmission. Plusieurs des insurgés ont fréquenté dans leur enfance la même école, écouté le même instituteur, don Recalde, qui le jour de son départ du village a dit à l’un d’eux : « Nous ne sommes que ce que nous laissons, Sebas. Mets-toi bien ça dans le crâne, juste ce que nous laissons, une fois morts, il n’y a plus moyen de rectifier ce que nous avons été ou pas été, ni dans un sens ni dans l’autre, rien à faire, que dalle, point final (…)  » La phrase circule, irrigue les esprits et maintient vivant le refus d’abdiquer, même lorsque la réaction s’abat sur ce que l’on voudrait par-dessus tout préserver. Férocement administrée par le chef local de la garde civile, le caporal Bustamante, elle vise d’abord les femmes et les enfants de ceux qui ont pris le maquis. Femmes et enfants qui prolongent avec une grâce subversive le geste de résistance des hommes. C’est ainsi que Rosario, l’épouse de Nicasio (dit « de la Noiraude » car dans son enfance il a sauvé une chèvre noire qui allait périr dans un incendie), est arrêtée un jour qu’elle est allée ravitailler son mari et ses amis dans leur planque du Cerro de los Curas. Au moment où un garde civil va l’abattre, « elle enfouit son visage dans ses mains, au cas où ils lui tirent dessus et lui sortent brutalement son rêve de la tête. »
Plus que l’oppresseur franquiste, plus que l’ordre moral haïssable qui cherche à s’imposer par la force, l’ennemi contre qui il faut quotidiennement lutter c’est la peur, avec son cortège d’humiliations, l’altération de l’être qu’elle entraîne insidieusement. « La peur n’a ni commencement ni fin, dira Ángel, le fils orphelin du maquisard Sebastián. Elle vit là où nous vivons (…), lorsque nous fuyons quelque part, elle voyage avec nous et, quand nous arriverons à destination, elle sera déjà là à nous attendre, morte de rire. » Parfois, le corps criblé de balles, un homme sur le point de mourir prend conscience de la peur qui l’habite mais sait qu’elle est déjà vaincue car ceux qui viendront sauront « ce que nous avons fait pour que la vie ne soit pas une merde habillée de drapeaux et de consignes ».

Maquis de Alfons Cervera
Traduit de l’espagnol par Georges Tyras
La Fosse aux ours, 221 pages, 18

Morts pour demain Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°114 , juin 2010.
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