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Domaine français L’ascèse migratoire

juillet 2010 | Le Matricule des Anges n°115 | par Jérôme Goude

Introspectif et contemplatif, Peut-être résulte de la mise en fiction d’une existence mue par l’obéissance aux lois de l’art et du vivant.

Parmi les quelques citations dont C. aura amoureusement porté le secret, comme un viatique, un trousseau de clefs ouvrant les portes d’un monde inassignable, il en est une que Peut-être exorcise : « Aucun acte libre ne m’est permis, hormis la destruction de Je ». L’écriture, dût-elle n’être que recours à l’artifice, a raison des masques. Au-delà des identifications, la personne s’y dissout souvent dans la non-personne, pour que d’un Je, « hydre à têtes multiples, divergentes », ne subsiste qu’une lettre, kafkaïenne, à la fois majuscule et minuscule. Un C., par exemple, qui creuse cet autoportrait comme le burin le tracé à peine suggéré d’un dessin d’Hans Bellmer ou de Fred Deux sur un cuivre.
Entre un Là-bas que l’obsolescence menace et un Ici fragile et déterminé, dans l’intervalle des jours et des nuits, Peut-être s’insinue à tâtons, avec l’extrême délicatesse de qui sait poser un regard rétrospectif sur les choses. Quelles qu’elles soient, ordinaires ou abstraites, métaphysiques ou tangibles : l’écorce des arbres, la maladie, un insecte ou un « morceau de tissu en forme d’étoile à six branches, avec en son centre, imitant l’alphabet hébraïque, en noir sur fond jaune, la désignation : Juif. » Là-bas est tout ensemble une bourgade de Lituanie qu’enfant il faudra obscurément quitter, Mahane-Jehuda, un des vieux quartiers de Jérusalem, et des maisons apprivoisées jadis ; quand Ici, sous-préfecture du Centre de la France, contient l’absolue solitude de deux artistes qui ne s’aventurent plus que dans des « Terrae incognitae où la logique et la chronologie sont invalidées, où la mémorisation n’est d’aucune aide, où son prétendu savoir n’est qu’une entrave. » Femme en quête de signes, bibliophage et « point certain d’une circonférence incertaine », C. consigne les plus infimes événements qui ont gravité autour des « cinquante et cinq années » passées, le corps penché au-dessus d’une table, à graver, écrire ou, pour F., dessiner.
Née le 19 octobre 1927 à Paris, orpheline de mère, Cécile Reims (Tzila Remz) rencontre le graveur Joseph Hecht à l’Académie de la Grande Chaumière, devient son élève. Entre 1959 et 1966, elle grave Les métamorphoses, Le bestiaire de la mort, Déserts puis Cosmogonies, avant de renoncer au burin pour le métier à tisser et, via l’entremise de l’éditeur Georges Visat, de réaliser de remarquables interprétations des œuvres érotiques d’Hans Bellmer (cf. Cécile Reims grave Hans Bellmer, Éd. Cercle d’Art, 2006). L’Epure, son premier récit autobiographique, paraît chez Julliard en 1963 (rééd. André Dimanche, 2000). Subtile coupe d’un jardin intérieur alimenté par le ruissellement des eaux d’une « réalité scrutée, transposée », Peut-être invite à pénétrer ce que furent, ce que sont encore, l’intimité créatrice et le quotidien de C., non sans pudeur. Sur un petit lopin de terre, à Lacoux, dans une des pièces de la maison de La Châtre où elle grave et, entre autres, dans un train cheminant vers Paris, avec ou (rarement) sans F., l’auteur de La Gana qu’elle rencontre en décembre 1951. Le souffle suspendu au cours d’une écriture proche et lointaine qui n’est plus « ni du jour ni de la nuit », le lecteur apprend la lente métamorphose d’une « banale plaque métallique, muette, en une gravure singulière », surprend le vol d’oiseaux migrateurs, de plus en plus sensible à la trajectoire singulière de cet « atome errant, éphémère transparence tracée sur la condensation d’une vitre embuée, ou mince et fugitif sillage d’un point mobile dans un ciel d’aube ». L’être de Cécile Reims, peut-être…

Peut-être de Cécile Reims
Le Temps qu’il fait, 173 pages, 18

L’ascèse migratoire Par Jérôme Goude
Le Matricule des Anges n°115 , juillet 2010.
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