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Poches Baptiste et les autres

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Lucie Clair

Deux explorations de l’Histoire par Vincent Borel rendent un résultat inégal.

Vincent Borel (né en 1962) est l’une des plumes romanesques contemporaines les plus riches, les plus sérieuses aussi – au sens où l’écriture est un travail, même si, voire surtout si, cela ne se voit pas –, et douées pour des narrations qui emportent, galvanisent, enchantent. Deux textes paraissent cette rentrée, l’un en poche, datant de 2002, l’autre chez Sabine Wespieser, nouvel opus. Entre les deux, un fossé, qui ne s’explique pas. On a aimé de lui Mille regrets (2004), Pyromanes (2006), et ce Baptiste (Points-Seuil), autobiographie fictive de Jean-Baptiste Lully, grand ordonnateur des plaisirs de Louis XIV, bijou de truculence jouisseuse et érudite – tant sur le plan musical, car Borel est un fin musicologue, qu’historique, puisqu’on y découvre un XVIIe siècle bien plus contemporain que ce qui nous est parvenu le plus souvent – et délicieux par sa langue précieuse, précise, emportée.
Mort et enterré, sous les quolibets de ceux qui ont subi sa férule d’arriviste, Lulli (attaché à la graphie italienne de son nom) prend la parole pour retracer le parcours d’un jeune Toscan ambitieux jusqu’aux marches du trône de France – voire, plus loin encore, puisque le fondement du Roi-Soleil n’aurait pas été épargné par les avancées de l’impétrant, ouvertement bisexuel. Parcours initiatique, politique, artistique, Baptiste retrace l’aventure audacieuse de la musique autant que les mœurs de l’époque – épinglant au passage la permanence de certains travers nationaux : « Quand tu les entendras, eux et les rues de la ville, vermiculer sur l’Italien (Mazarin), tu devras être prudent, très prudent (…). En France, il ne fait pas bon être étranger » lui conseille son mentor Michel Lambert. Fin observateur de la Cour, introducteur en France de l’opéra, collaborateur de Molière, Lulli se le tint pour dit, et acquit gloire et renommée par la grâce d’un talent qui influença Couperin, Marin Marais, Rameau, Purcell, Haendel…, offrant à Vincent Borel l’occasion de nous captiver.
Antoine et Isabelle est tout son contraire. Déjà, ça commence mal. Par une mauvaise querelle sur la question de l’existence de chambres à gaz à Mauthausen, sur fond de vacances de « branchés » en Jamaïque – rails de coke et rhum à gogo –, mettant aux prises l’auteur et un (petit) magnat de la presse française qui se donne des allures de nabab d’être le descendant de la famille Gillet, industriels réputés de Lyon. Le débat oiseux entre les deux compères se prolonge par l’évocation de l’histoire familiale : Antonio, le grand-père de Borel a justement été interné à Mauthausen, après avoir fui la dictature franquiste avec sa femme Isabel. Saisissant l’opportunité de témoigner, et servir la vérité, Borel s’empêtre malheureusement dans une biographie ennuyeuse, où les deux familles se croisent – d’un côté les Gillet, à la tête d’une « fortune de guerre » bâtie sur la soie et le gaz moutarde, offrant à l’Allemagne nazie le Zyklon B utilisé dans les chambres à gaz – entre autres de Mauthausen –, de l’autre ses ascendants espagnols, deux générations de migrants, à Barcelone, puis en France.
Dans l’absence de recul, d’espace où pourraient s’ébattre la fantaisie, la perspicacité, mais aussi la tendresse de l’auteur, c’est à n’y plus retrouver son Borel – le pire étant ces clichés en lieu d’analyse politique (les riches moquent « méchamment », les pauvres « au bas de l’échelle », « ne s’en laisse (nt) pas conter »), et la langue terne, dénuée d’humour – comme si la Grande Histoire, ramenée ici à des épisodes dans lesquels les personnages peinent à s’affirmer, était vue par le petit bout de la lorgnette, ou de trop près. Il vaut mieux retourner au grand angle de Baptiste et attendre, avec confiance, le prochain livre.

Lucie Clair

Vincent Borel
Baptiste
Points, 504 pages, 8
Antoine et Isabelle
Sabine Wespieser éditeur, 496 pages, 24

Baptiste et les autres Par Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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