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Domaine français Faux départ

octobre 2010 | Le Matricule des Anges n°117 | par Chloé Brendlé

Avec Norfolk, Fabrice Gabriel emmène dans ses bagages Hergé, Nabokov et bien d’autres démons intérieurs. Le lecteur, lui, reste à quai.

Tout le monde peut se tromper. à lire un énigmatique Norfolk sur la couverture d’un nouveau « Fiction & Cie », collection qui nous a habitués à des voix et des registres si variés, on s’attend à ne pas être déçus du voyage. Las, l’étrange traversée à laquelle nous convie Fabrice Gabriel, de France jusqu’aux États-Unis (et retour) en un hommage appuyé à un album de Jo, Zette et Jocko, et aux mânes de son enfance, nous laisse quelque peu perplexes.
Plantons le décor au début du roman : « L’avion ronronnait bruyamment au-dessus de l’Atlantique, des passagers avaient sur leurs yeux leur masque de tissu bleu ciel, d’autres regardaient sur le petit écran devant eux l’un des films proposés pour la traversée. Gilles, lui, continuait de fixer la reproduction en noir et blanc du tableau de Gainsborough. » Il ne manque au tableau que le petit garçon qui lit un ouvrage sur la fondation de l’histoire romaine, et le semi fantôme de la sœur absente, qui délivre à travers le hublot des oracles édifiants et terrifiants (« Tu vas vieillir Gilles »). Il s’en faut de peu pour qu’on n’éclate de rire. Mais foin de mauvais esprit : très vite, nous sommes rassurés sur la pureté, l’authenticité et la profondeur de cette « odyssée intérieure » que poursuit Gilles. Guidé par une carte léguée par son oncle défunt, représentant le tableau Blue Boy de Gainsborough, et par quelques syllabes magiques, « Heller » (marque d’une maquette d’avion qu’affectionnait notre héros enfant) qui se métamorphoseront tantôt angéliquement en « heller » (« plus pâle » en allemand) tantôt diaboliquement en « hell » (« enfer » en anglais), et « Norfolk » (laissons au potentiel lecteur ou à l’amateur de dictionnaires bilingues le plaisir de découvrir la ravissante polysémie du mot), Gilles accomplira son destin. émergeront alors, comme des îlots vaguement anachroniques, des sentences fatales et ultimes, frappées au coin du bon sens et de la résignation, et qui sait, peut-être, perlées d’une larme montée en diamant : « Vieillir, c’est peut-être se résigner à la pâleur des comparaisons… ».
Tout tombe à plat, la tristesse comme les tentatives d’humour. Un Vila-Matas ou un Paul Auster en auraient fait une variation sur New York, mais le séjour à New York n’est qu’un prétexte à une poésie fade des saisons ; un Vila-Matas ou un Paul Auster auraient composé une fugue sur le deuil et ses mises en abyme, mais l’évocation des disparus ne laisse dans Norfolk qu’une empreinte factice. Subsiste du récit une aquarelle délavée, policée, sans l’éclat subtil de ses modèles picturaux et littéraires, Watteau ou Nerval pour ne citer qu’eux. Norfolk s’effiloche, verbeux, ou plutôt, « adjectiveux ». On peut relever les caractérisations absurdes, du personnage « coquet mais fluide », à l’« enfant jaune » lisant un « livre jauni ». Fabrice Gabriel déploie une écriture « artiste » avec des litanies d’imparfait, des raffinements de subjonctifs, des questions rhétoriques, des phrases qui se traînent… presque un pastiche inavoué de Proust, dont on ne sait s’il faut le prendre au sérieux ou en sourire.
Comptine agaçante, émaillée d’anglicismes et de préciosités, où la « cime » résonne avec le « somme », la « ville » avec la « fille », le « deuil » avec le « seuil », où il n’est presque pas une phrase qui ne « rings a bell » et ne clignote comme une enseigne « attention, clin d’œil »… Le chat s’appelle Pnine, le grand-père Pump, et l’on entrevoit une Gilberte-Sylvie : pas de personnage sans son double. Sensation d’une brume à laquelle on s’accroche jusqu’au bout, en se demandant alors quels sont les paysages que l’on a traversés et l’en regrettant que l’auteur se soit tant attardé dans sa mémoire littéraire et artistique. Car l’on aura surtout retenu de son roman le sentiment frustrant d’être passés à côté de l’essentiel, et de quelques très belles scènes, comme le départ final de la grand-mère, malheureusement noyée sous les références.

Chloé Brendlé

Norfolk
Fabrice Gabriel
Seuil, 211 pages, 17

Faux départ Par Chloé Brendlé
Le Matricule des Anges n°117 , octobre 2010.
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