La lettre de diffusion

Votre panier

Le panier est vide.

Nous contacter

Le Matricule des Anges
ZA Loup à Loup 83570 Cotignac
tel ‭04 94 80 99 64‬
lmda@lmda.net

Connectez-vous avec les anges

Vous n'êtes actuellement pas identifié. Pour pouvoir commander un numéro, un abonnement ou bien profiter, en tant qu'abonné, des archives en ligne, vous devez vous connecter avec votre compte.

Retrouver un compte

Vous avez un compte mais vous ne souvenez plus du mot de passe ? Vous êtes abonné-e mais vous vous connectez pour la première fois ? Vous avez déjà créé un compte, peut-être, vous ne savez plus trop ?

Créer un nouveau compte

Vous inscrire sur ce site Identifiants personnels

Indiquez ici votre nom et votre adresse email. Votre identifiant personnel vous parviendra rapidement, par courrier électronique.

Informations personnelles

Pas encore de compte?
Soyez un ange, abonnez-vous!

Vous ne savez pas comment vous connecter?

Domaine français Corpus eroticum

mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121 | par Richard Blin

Théâtre de volupté, le Dictionnaire libertin de Patrick Wald Lasowski fait fête à l’imaginaire galant et au monde des plaisirs.

Dictionnaire libertin : Langue du plaisir au siècle des Lumières

De même que le récit libertin érotise le monde dans sa volonté de tout dire, d’explorer les écarts du plaisir et les dérèglements de la débauche, et parfois même d’éclairer jusqu’au cœur des ténèbres, le Dictionnaire libertin dénude la langue du plaisir, affronte hardiment le mot et la chose, nous invite à entrer dans l’ensorcelant labyrinthe d’un siècle conduit par le désir.
Grand connaisseur de la littérature libertine – il a été le responsable des deux volumes des Romanciers libertins du XVIIIe siècle, dans la Bibliothèque de la Pléiade –, Patrick Wald Lasowski nous propose aujourd’hui une sorte d’état des lieux, des modes, des techniques, des lois, des valeurs qui constituent le cadre historique où se sont épanouis le langage et l’univers libertin. Un tour d’horizon allant de la bibliothèque au boudoir, et du boudoir au bordel en passant par la langue de l’Église et du droit, le discours médical, la physique de l’amour et le catéchisme libertin. Car du corps aux lettres, et des lettres aux corps, tout circule en ce siècle où l’amour des belles lettres s’entremêle au penchant pour le sexe.
Qu’on suive l’ordre alphabétique ou qu’on procède par rapprochements, le pré carré de l’article est constamment débordé. Le Caprice implique la Bizarrerie et la Fantaisie, l’Écart conduit à l’Égarement, le Carrosse invite à la Caresse tant le déplacement et l’intensité des passions relèvent du Transport. C’est ainsi qu’on s’enfonce dans un monde où l’amusement est associé au plaisir sexuel, où l’on paillassonne (courir les filles), où les galants cèdent aux charmes des belles. Monde où il s’agit de savoir conjuguer hasard et prémonition, éloquence et ironie, maîtrise et ruse. Où il faut avoir le sens du moment, que Crébillon définit ainsi. « Une certaine disposition des sens aussi imprévue qu’elle est involontaire, qu’une femme peut voiler, mais qui, si elle est aperçue ou sentie par quelqu’un qui ait intérêt d’en profiter, la met dans le danger du monde le plus grand d’être un peu plus complaisant qu’elle ne croyait ni devoir ni pouvoir l’être »
Dans le monde des plaisirs, l’espion est une des figures du voyeur, la « petite oie » renvoie aux menus faveurs qu’accorde une femme, et les baisers sont colombins ou « à la Florentine ». On gamahuche, on socratise, on fait des postures un piment essentiel à la pratique du plaisir, et du fouet un objet de délices. Maître de l’intrigue, le libertin tresse les fils des liaisons et des ruptures. Jouant de l’art du semblant, il fait de la chute de la victime l’enjeu de ses menées. Cynique, méthodique, cruel, le roué est le libertin majeur. Il éblouit et fascine dans les salons comme dans les boudoirs, incarne la conscience du mal là où les abbés de cour et les petits marquis ne sont que « héros de toilette », et là où les petits-maîtres, frivoles par tempérament, ne savent que s’accorder au « vibrato d’une sexualité sémillante ».
Criminel aux yeux de l’Église, le libertin se vante d’emporter les cœurs les mieux armés, quand il ne fait pas du désespoir de sa victime la condition de sa jouissance. Ne vivant que pour elle, il a souvent besoin de transgresser l’interdit, le fin du fin du libertinage consistant à « dérégler définitivement l’opposition de l’ordre et du désordre ». Un grand dérèglement dont la littérature libertine est le miroir. Récits, romans, Correspondances, Mémoires – que cite abondamment Patrick Wald Lasowski – en témoignent fiévreusement.
Autant affaire de parole (l’art du langage comme stratégie) qu’affaire de mode et de mobilier (qu’on songe à tous ces meubles tentateurs qui, de la bergère au sofa en passant par la marquise, tendent leurs bras, appellent les amants), le libertinage se révèle être une éthique et une esthétique du jeu, de la séduction et de l’impureté. S’appropriant la règle comme une jouissance supplémentaire, il dessine une sorte de civilisation qui aurait fait du plaisir son maître mot. Un plaisir dont le Dictionnaire libertin nous offre un voluptueux feuilleté.

Richard Blin

Dictionnaire libertin
Patrick Wald Lasowski
Gallimard, 590 pages, 26,50

Corpus eroticum Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°121 , mars 2011.
LMDA papier n°121
6,50 
LMDA PDF n°121
4,00