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Égarés, oubliés La discrète

mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121 | par Éric Dussert

Élevée dans un milieu très aisé, Constance Coline aurait pu devenir une star des Arts et Lettres. Elle a choisi la médecine… et la réserve.

Dominique Aury, la fameuse secrétaire et compagne de Jean Paulhan, également auteur d’Histoire d’O, donnait en 1999 un livre d’entretien dont le titre lui attribuait une Vocation : clandestine. C’est à peine abuser tant cette clandestinité fut balayée de lumière et commit Dominique Aury à une certaine notoriété. Si l’on tient à croiser des femmes de lettres de l’ombre, les anthologies ne manquent pas qui, de l’Histoire de la littérature féminine en France de Jean Larnac (Kra, 1929) à telle compilation poétique, tel essai sur le journalisme de l’entre-deux-guerres révèlent des noms dont nous n’avons plus aucune idée. L’un des plus… clandestins n’y figure pas du reste. C’est celui de Constance Coline – pseudonyme agreste s’il en est –, revêtu par une jeune femme de la grande bourgeoisie dont l’existence fut peut-être assez banale, l’œuvre reste mince, mais les fréquentations, par le hasard des relations familiales et amicales, singulièrement intéressantes.
Constance Coline n’a pas laissé de très grand texte inoubliable ; essentiellement des romans de mœurs et un volume de souvenirs où tous se croisent (Le matin vu du soir. De la Belle Epoque aux années folles, Anthropos, 1980), ainsi que des écrits dramatiques à partir des années 1930. C’est d’ailleurs à ce titre que son nom figure aux côtés de ceux d’Yvan Goll, de Jean Tardieu ou de Raymond Cousse dans le très officiel Arrêté du 10 août 2001 fixant la liste des auteurs et compositeurs considérés comme classiques en application de l’article 89ter de l’annexe III au code général des impôts. Si l’œuvre théâtrale de Constance Coline est considérée comme « classique », c’est-à-dire digne d’être étudiée en classe, et bénéficie à ce titre d’une tva à 2,10 % – à condition d’être exploitée dans les conditions signalées dans l’article 281quater, évidemment ! –, il s’en faut que ses proses connaissent le même sort.

De Céline à Drieu la Rochelle.

Née à Paris le 2 janvier 1898, Colette Mayer-Grunbaum eut la chance de naître dans un milieu très favorisé et de fréquenter des cercles lettrés. Ses amis de jeunesse se nomment Jacques Rigaut, René Clair, Aragon et surtout Maxime François-Poncet, le grand amour qu’elle perd à la guerre, Drieu la Rochelle est son frère en amitié, son tuteur et témoin de mariage n’est autre que Léon Blum, son professeur de piano Alfred Cortot… On a connu des débuts dans la vie plus difficiles. Après avoir fait des études de médecine, elle épouse Philippe Clément et va, peu à peu, se tourner vers les lettres. En 1932, dans sa petite trentaine, elle publie chez Plon un premier roman, Chacun pour soi, en réalité un roman de mœurs issu de sa propre expérience qui défraye un peu la chronique : le 14 novembre 1932, les « Treize », chroniqueurs masqués eux aussi signalent deux écrivains « qui ont visiblement voulu dissimuler leur personnalité derrière des pseudonymes » : Constance Coline et… Louis-Ferdinand Céline. Deux jours plus tard, L’Intransigeant déclare posséder un document permettant d’identifier la mystérieuse, et Le Matin indique que Constance Coline est « une femme du monde très répandue dans les milieux littéraires » et L.-F. Céline, « un médecin connu qui fut chargé, à plusieurs reprises, d’enquêtes importantes par la Société des Nations. » Bref, on connaît l’histoire de cet automne 1932, Constance Coline n’y aura fait qu’un petit tour destiné à attiser l’intérêt du public. Pour autant, ses livres se succèdent à un rythme presque régulier. Deux ans plus tard, elle donne La Main passe (Flammarion), roman dont Ramon Fernandez rend compte dans la NRf de décembre et, en 1936, Septembre, une pièce de théâtre basée sur la même problématique que Chacun pour soi, et avec les mêmes personnages : qui aime qui ? qui épouse qui ? le jeune Bernard Blier y fera son entrée sur scène en 1938 sur les conseils de son mentor Louis Jouvet.
Cette même année 1936, son adaptation de la pièce Éblouissement de Keith Winter est mise en scène au Théâtre des Arts à partir du 11 décembre. Ça n’est que le premier pas d’une carrière dramatique qui ne s’interrompra plus. Viendront encore des romans tels que Nathalie ou le clair-obscur (La Jeune Parque, 1945), Le Jardin des fées (La Jeune Parque, 1946) ou Et même un peu farouche (Denoël, 1962), mais ses pièces, telles que Le Chien de pique (Théatre Gramont, 7 octobre 1949), Isabelle d’Afrique (Théâtre Montparnasse, 1939) sur le personnage d’Isabelle Eberhardt ou Regrets éternels (Théâtre de l’œuvre, 1957, avec Sami Frey), et les adaptations de Talence Rattigan, Peter Coke (Le Vison à cinq pattes), Keith Winter, Peter Blackmore ou John Osborne constitueront l’essentiel de sa production. Constance Coline meurt à Paris le 12 mars 1982, deux ans après avoir publié les souvenirs de ses trente premières années.
C’est probablement cette période de son existence qui retiendra l’attention : elle y était l’intime d’Aragon, de Jacques Rigaut, de Drieu, personnage éminemment remarquable dont elle taille un portrait honnête dans Le Jardin des fées. Contrairement à Aragon qui banalise le personnage de Gilles-Drieu dans Aurélien (1944), Constance Coline, qui le connaissait comme un frère, ne masque ni ses erreurs de jugement à partir de 1936, ni ses faiblesses au moment de l’Occupation. « Terrible mais vrai ».

Éric Dussert

La discrète Par Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°121 , mars 2011.
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