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Histoire littéraire Forever François-René

mars 2011 | Le Matricule des Anges n°121 | par Gilles Magniont

Direction Rome et la Correspondance de Chateaubriand, huitième tome : un pape passe, quelques anges, et la grâce absolue des mots.

Correspondance générale (Tome 8-1828-1830)

Le volume découpe une période de deux ans, 1828-1830 : le temps pour Chateaubriand, ambassadeur à Rome – il occupa auparavant la fonction à Londres et Berlin – de voir Léon XII mourir et Pie VIII le remplacer. Il lui semble ici avoir joué quelque rôle : si c’est douteux pour la disparition de l’un – il se demande quand même si son astre fatal… –, c’est certain quant à l’avènement de l’autre, l’auteur du Génie du Christianisme ayant réalisé un lobbying effréné de sorte que soit élu un pape favorable à la France – « mon pape ». De la réussite donc et de la fierté, qui s’étendent jusqu’au monument qu’il fait élever pour le Poussin, jusqu’aux villas où il rencontre les artistes, jusqu’aux soirées de l’ambassadeur où l’on se presse – « Mardi dernier le monde était dans mon salon ». Mais ne croyez pas l’homme susceptible de rester en place, de rester à sa place : il s’accommode mal de ne pouvoir revenir au ministère des Affaires étrangères, il laisse l’ambassade quand on fait insuffisamment cas de ses efforts, il ne rentre à Paris que pour refuser d’y reconnaître le nouveau régime : « Si la France s’était formée en République, j’y serais resté parce que j’aurais vu logique et conséquence dans le fait et que je n’aurais eu à violer aucun serment ; mais troquer une monarchie contre une usurpation sans gloire qui sera tôt ou tard obligée de recourir aux lois d’exception, changer une couronne conservée pendant neuf siècles pour une couronne trouvée dans la hotte d’un chiffonnier, cela ne vaut pas la peine d’un parjure. Je n’ai conservé de ma jeunesse qu’un certain goût du malheur qui me range du côté de l’infortune, même méritée ». Et le fait renoncer à toutes ses charges et pensions : retour empanaché à l’éternelle opposition.

« Si vous aviez, du moins, attendu de m’avoir vu pour me quitter ! »

Mais ce n’est là que la fin des presque six cents lettres. Reprenons par le début :
« Me voilà à Rome, qui ne m’a rien fait. A mon âge, il ne faut plus voyager : on n’y voit plus. » : commence alors le ballet des négations, de rien en plus. Chateaubriand, qui naquit en 1768, ne cesse de se représenter tel un « solitaire que tout quitte », accablé d’ennui et des « monuments sempiternels », enfoncé dans l’oubli, buvant son lait d’ânesse sur les petits chemins, ruine parmi les ruines – « vous ne pouvez vous figurer ce que c’est à mon âge qu’un bal sur les débris du Capitole ». Toutefois, il faut noter que notre paralytique envisage sans trop de confraternité les « vieilles têtes du Sacré Collège » : « hommes du passé et antipathiques à l’avenir, des cardinaux, arrivés au bout de leur vie, ne cherchent qu’à se transmettre une espèce de royauté élective qui expire tous les quatre ou cinq ans avec eux : assis sur les doubles ruines de Rome, ils ont l’air de n’être frappés que de la puissance de la mort et de n’aspirer qu’à cette puissance ». Et lui, à quoi aspire-t-il ? Feint-il d’être assis sur sa tombe ? On pourrait l’accabler de questions, faire jouer les lettres (éditées ici avec une précision diabolique) les unes contre les autres, et même les confronter encore à certaines réécritures magnifiées ou tronquées des Mémoires d’outre-tombe. La lecture, policière, méconnaîtrait encore l’essentiel : si tant de pages consacrées à la mort respirent la jeunesse, c’est que les phrases, parcourues de désir, viennent sans cesse lier ce que le temps défait.
Pour s’en convaincre, arrêtons-nous enfin sur le 31 mars 1829, et sur la réponse à la jeune Léontine de Villeneuve. Ils ne se sont jamais vus, ils se sont écrits, elle vient de lui annoncer son mariage. « Ici finit notre roman » : Chateaubriand prétend désormais conclure, pris de colère autant que de rouerie, et sa lettre brille de tous les feux changeants du sentiment, tour à tour venimeuse, généreuse, capricieuse, oblative, faisant se succéder sursauts inouïs (« Si vous aviez, du moins, attendu de m’avoir vu pour me quitter ! J’aurais compris cela. J’étais à peu près sûr que vous m’auriez fui en m’apercevant. Mais m’abandonner au moment où j’étais encore l’ouvrage de votre création, (…) c’est être née infidèle jusque dans la moelle des os ! ») et demandes à perdre la tête : « Le rendez-vous que vous m’aviez promis sur la terre, je vous le demande dans le ciel. Mais comment me reconnaîtrez-vous ? ». On imagine, dans ce ciel, une ritournelle en italien de cuisine qui égaierait l’Ecclésiaste et aurait pour refrain Vanite, tutte vanite ; d’abord la voix de Chateaubriand en avant (Vanite), puis le chœur des correspondantes énamourées (tutte vanite) ; on les comprend.

Gilles Magniont

Correspondance générale,
Tome VIII (1828-1830)

François-René de Chateaubriand
Textes établis et annotés par Pierre Riberette et Agnès Kettler
Gallimard, 658 pages, 35

Forever François-René Par Gilles Magniont
Le Matricule des Anges n°121 , mars 2011.
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