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Domaine français Un autre héros de la liberté

avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122 | par Sophie Deltin

Le roman posthume du Marocain M. Leftah se présente comme une vibrante apologie de l’individu au temps de l’intégrisme.

Le Dernier combat du Captain Ni’mat

Les livres de Mohamed Leftah ont ceci d’essentiel qu’ils nous conduisent toujours, bravant les croyances cimentées et les interdits, au cœur battant de la beauté et du désir. Avec, au tournant de chaque page, ce souffle de liberté farouche dont la lucidité, délictueuse en diable, donne l’impression de s’enivrer d’elle-même. Ce roman aux allures de tragédie, écrit peu avant la mort de son auteur survenue au Caire en juillet 2008, se lit clairement comme une fable engagée.
Le « captain Ni’mat », un ancien pilote de guerre, 65 ans, dont la carrière a pris fin au sortir de la défaite cinglante de l’Egypte contre Israël en 1967, jouit d’une existence respectable aux côtés de son épouse Mervet. Un jour, tandis qu’avec d’autres anciens généraux à la retraite, il se repose au bord de la piscine du club Ma’adi, quelque chose d’imprévisible le saisit : à la vue d’un corps juvénile, c’est la beauté qui fait tout simplement irruption dans sa vie. Très vite, cette émotion foudroyante lui sera confirmée par la beauté radieuse de son serviteur nubien baptisé « Islam », auquel fasciné Ni’mat s’abandonne bientôt, non sans honte ni culpabilité. Faut-il le rappeler – mais pour Leftah il s’agissait hélas d’une scandaleuse actualité en pleine Egypte des années 2000 – l’histoire se passe dans une société qui se livre à une véritable chasse aux homosexuels, sous couvert d’y voir une insulte criminelle à la sacro-sainte virilité, ou carrément « la main de l’ennemi sioniste, cherchant à féminiser la société (sic) ».
Miraculeuse mais porteuse de discorde, l’épiphanie de la beauté reste dans ce récit aussi, douloureusement ambivalente. Ainsi nous sont restituées, avec cette grâce éclatante qui fait le charme Leftah, les affres de l’amertume et de la tentation – un dard d’autant plus aigu dans la chair arabe corsetée par tout un corpus intériorisé de normes sociales et d’interdits religieux. Reste qu’après l’effet de sidération, vient naturellement l’audace d’acquiescer à son propre désir. Et ce qui pourrait relever ailleurs d’un érotisme vulgaire voire pathétique devient ici, sous la plume troublante de précision et de maîtrise du conteur Leftah, un chant à la fois impudique et plein de poésie.
Tout s’enchaîne alors avec l’implacabilité du destin, et malgré le scandale qui finit par détruire sa vie conjugale, Ni’mat devient en l’espace de quelques mois, un homme libre. Affranchi des autres, de lui-même, il goûte, transfiguré, au miracle de se sentir vivant, n’ayant plus rien à voir avec ces « corps à parlotte » à la fois inféodés aux prescriptions de la vieillesse et conduits par les automatismes figés de l’arabe classique – qui aux dires de Leftah, fait comme si elle « menait sa vie propre et pensait à (n)otre place ». En faisant acte de souveraineté sur son propre corps, c’est bien dans une forme de résistance que cette figure héroïque se lance au soir de sa vie, à l’encontre d’une société arabo-musulmane intolérante et hypocrite qui non contente de sacrifier l’individu en le privant de tout « souci de soi », le condamne à renoncer à sa liberté de conscience, jusqu’au droit de disposer de son orientation sexuelle.
Redonner à son corps le droit à la parole, à sa vérité singulière, fût-ce sur les seules pages d’un journal intime – et c’est la dernière partie du récit qui retrace l’éclaircie intérieure de ce Moi réprouvé, renié et radié par sa classe et la société – tel fut le dernier combat du captain Ni’mat : sa seconde défaite, la plus victorieuse au regard de son existence.
Ultime pied de nez à tous les censeurs, à toutes les inquisitions, le livre de Mohamed Leftah déploie une portée éminemment politique, où la beauté célébrée comme une exaltation de la pulsion de vie fonctionne aussi comme un ferment de dissidence contre tous les enfermements doctrinaires et mortifères.

Sophie Deltin

Le Dernier Combat du captain Ni’mat
Mohamed Leftah
La Différence, 144 pages, 15

Un autre héros de la liberté Par Sophie Deltin
Le Matricule des Anges n°122 , avril 2011.
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