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Domaine français L’art de la nudité

avril 2011 | Le Matricule des Anges n°122 | par Richard Blin

En s’attachant à l’inventaire des états du désir, ce sont les rapports entre création et beauté qu’explore le nouveau roman de Bénédicte Heim.

Plus radieux souvent que tous les mensonges du réel, le corps nu photographié ou peint est d’abord celui d’un modèle – généralement une femme – qui, dans un espace clos a – généralement – posé devant un homme. Mais quand celle qui pose est une ancienne mannequin star qui, lasse de l’esthétique tapageuse du milieu de la mode, des séductions faciles et des gratifications mensongères de la beauté, s’est tournée vers l’écriture théâtrale – ou quand il s’agit d’une très jeune top model, à la noire et sauvage splendeur, la nudité se fait invasive, la beauté magnétique, les vérités vulnérantes : les corps s’aimantent, la gravitation des désirs s’accélère et toutes les certitudes vacillent. C’est à ces mouvements de l’âme, au vertige spéculatif où plongent ces moments d’urgence existentielle dont la chair est à la fois la clef et le chiffre que Bénédicte Heim donne forme, visage et voix, dans Nues.
L’image et le mot, le corps et l’écriture, l’ex-mannequin devenue dramaturge, connaît. Elle qui fut adulée, vénérée, idolâtrée, haïe, qui abusa du corps, des émotions, du désespoir, a choisi le théâtre pour n’être plus au centre de la scène mais pour la diriger. Cependant ce qu’elle écrit continue à passer par son corps – un corps qu’elle soumet toujours à l’ascèse de la privation – mais un corps vaporisé dans les mots, disséminé dans le tranchant des phrases, les arêtes des personnages, leur soif d’exigence. Une écriture en quête d’une sorte de beauté renversée, décadrée, recherchée dans « la découpe qui cisaille », et qu’elle va retrouver en partie dans les toiles d’un peintre – « La beauté ligotée, souffletée, tenue en respect, la beauté presque interdite, presque bafouée » et qui pourtant « se dégageait violemment de ses fers et, dans un mouvement rageur, venait vous frapper, sans préavis, en plein centre » – et pour qui elle va accepter de poser, tant son regard « sans intention » l’aide à comprendre qu’elle n’avait jamais été vraiment regardée : « Un regard qui touche au centre alors que les autres ne faisaient que traverser sans jamais atteindre. »
Peintre qui, de son côté, voulant capter « l’essence de la jeune fille », ne s’était adressé à elle que pour lui demander de jouer les intermédiaires, de lui présenter une jeune beauté. Ce qu’elle fera en la personne de l’ondoyante Nina, jeune top model dont Peter, son photographe, a senti d’emblée que l’essence se confondait avec l’apparence, lui dont le besoin de la photographier vient de quelque chose d’elle ouvrant sur une part de lui-même « inexplorée, tenue sous le boisseau ». Une beauté donatrice qui tient du miracle et avec laquelle il entre en totale résonance.
C’est dans l’intimité de ce quatuor que Bénédicte Heim nous plonge, nous entraînant dans la violence des sensations primitives – celles des capacités de jouissance et d’endurance, de souffrance et d’excès – et dans le grand vertige des possibles sans fond. Une écriture où circulent le désir de ce qui est redouté et la crainte de ce qui est désiré ; qui dit l’épreuve du doute, le jeu des différences, la danse des accords désaccordés. Un roman qui interroge les rapports qu’on entretient avec son corps, avec l’image de l’autre – celui qui nous vise là où nous nous tenons, qui nous apprend où nous nous trouvons, pour qui notre corps n’est « ni objet ni sésame ni monnaie d’échange ». Nues explore les voies de la fascination, questionne la notion d’identité, accueille les proliférations fantasmatiques, sait célébrer la scansion sauvage de l’exaltation comme les relations d’emboîtement des corps communiant sans contact. Un livre à l’écriture lyriquement enfiévrée, obéissant à l’ordre éruptif de l’intensité, tout en nerfs à vif, en effervescence partagée et en vérité du sentir.

Richard Blin

Nues
Bénédicte Heim
Les Contrebandiers, 272 pages, 15

L’art de la nudité Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°122 , avril 2011.
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