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Domaine français Clair et net

mai 2011 | Le Matricule des Anges n°123 | par Richard Blin

Dans deux ouvrages faisant écho l’un à l’autre, c’est un art et une manière de ressentir et de traduire la présence du monde que Jean Clair continue de défendre.

Dialogue avec les morts

L' Hiver de la culture

Ecrivain sensuel, esthète amoureux de l’art et de l’histoire, conservateur des Musées et ancien directeur du musée Picasso, Jean Clair, qui vient d’avoir 70 ans, est un esprit libre et un homme de passion toujours aussi actif dans la défense de valeurs aujourd’hui jugées obsolètes comme le beau ou le sens d’un art sachant nouer l’intelligence de l’esprit à l’élection du goût. Issu d’une famille de paysans pauvres, au mode de vie inchangé depuis des siècles – « leur culture était celle des peuples sans tradition écrite. Ils vivaient dans un temps cyclique où, dans le retour des saisons, tout avait été écrit de toute éternité » –, il aura toujours le sentiment « d’avoir trahi, abandonné un front, gagné le confort des arrières ». C’est ce qu’il confie, comme à mi-voix, dans Dialogue avec les morts qui conclut le parcours biographique esquissé dans le Journal atrabilaire, Lait noir de l’aube, et La Tourterelle et le Chat-Huant (« L’Un et l’Autre », Gallimard).
Le dispositif choisi demeure celui du Journal, qui autorise constats ponctuels, éclats de sensualité, fragments biographiques, mais surtout permet un parcours délinéarisé fait d’observations, de méditations, de souvenirs. Partant toujours d’un fait – « Je n’ai jamais pu m’écarter d’un pouce de ce que j’ai sous les yeux ou de ce qui revient dans mes souvenirs. J’ai la superstition de la réalité. M’en écarter me semble un sacrilège » –, il revient donc sur son enfance taciturne – « le paysan est laconique » –, les premières empreintes, les émotions fondatrices, l’initiation à l’amour, l’apprentissage esthétique, qui est l’apprentissage de la sensation. Tous ces souvenirs, qui se prolongent dans le dialogue avec les morts, apparaissent comme pris dans la toile de « l’araignée », qui était le surnom que lui avaient donné ses camarades d’école, puisque né Gérard Régnier – un patronyme qu’il abandonnera en choisissant Jean Clair comme nom de plume, avec l’espoir que « le tranchant et la transparence du matériau dont il est fait » l’aiderait à s’illustrer.
Des confidences où l’on retrouve sa passion pour l’étymologie et son sens aigu du rapprochement révélateur et inattendu. « On voile les femmes en Orient comme on voilait chez nous naguère, dans la maison d’un mort, les miroirs et les portraits au moment d’un deuil car on en redoutait alors, comme eux la redoutent encore aujourd’hui, la puissance que les images recèlent quand elles redoublent la réalité. » Si d’un signe presque insignifiant, il est habile à déduire la vérité latente, il peut aussi s’emporter contre les attaques visant la psychanalyse (qui l’a éveillé aux mots et à leur pouvoir), ou contre l’emploi du mot « dérapage » utilisé pour clouer au pilori celui qui a osé quitter le chemin du bien dire, car c’est supposer « que l’exercice de la pensée s’apparente à la conduite d’une voiture qui, non seulement ne pourrait pas s’écarter des autoroutes, mais encore serait soumise à la direction assistée des médias ».
Le portrait d’une époque donc, où la culture rime de plus en plus avec l’argent, ce que dénonce L’Hiver de la culture, un pamphlet écrit simultanément, et dirigé contre un « art contemporain » qui désigne non pas l’ensemble de l’art qui se fait aujourd’hui mais seulement une catégorie singulière « définie par une élite société autoproclamée de spécialistes ». Le constat est amer : l’art ne relève plus d’un capital spirituel mais d’un système des Beaux-Arts désormais livré au couple Musée/Marché. Il est une marchandise, fruit d’une industrie de production se délectant de l’informe ou du goût de l’immonde. Sans adhérer à tout, il faut savoir gré à Jean Clair de son exigence, voire de son intransigeance, en particulier lorsqu’il postule un art – et un art de vivre – qui lie la raison et la chair, la jouissance et la connaissance. Ce qui ne peut que nous redonner faim d’art et d’œuvres alliant magiquement présence et énigme.

Richard Blin

Jean Clair
Dialogue avec les morts
Gallimard, 288 pages, 18,90  
L’Hiver de la culture
Flammarion, 144 pages, 12

Clair et net Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°123 , mai 2011.
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