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Histoire littéraire Maux modernes

octobre 2012 | Le Matricule des Anges n°137 | par Eric Bonnargent

Le philosophe et sociologue canadien Marshall McLuhan explore la culture de masse dans l’Amérique de l’après-guerre. Toujours pertinent.

La Mariée mécanique : Folklore de l’homme industriel

C’est en médecin que Marshall McLuhan (1911-1980) s’intéresse à la société américaine. Les 59 textes qui composent La Mariée mécanique, folklore de l’homme industriel, publié en 1951 et inédit en France, permettent de poser un diagnostic : l’homme moderne souffre d’une « annihilation de l’ego » transmise par les médias. McLuhan n’est pas un donneur de leçons, il ne s’indigne pas et ne prescrit aucun remède ; il espère seulement éveiller les consciences afin que se développent « des stratégies individuelles ».
Bien que ces textes, s’appuyant sur des illustrations de l’époque (Unes de journaux, extraits de BD, publicités…) datent, ils restent d’actualité, mis à part peut-être en ce qui concerne le culte de l’hygiène, l’éducation mixte ou la condition des femmes. À propos de la presse, en particulier du New York Times (le lecteur français lira Le Monde), McLuhan note à quel point l’information est devenue un spectacle, celui des passions humaines : il s’agit de « transformer les nouvelles du monde en un romantique roman quotidien fait d’épisodes de capes et d’épées et d’intrigues fascinantes concoctées par diverses ambassades ». L’objectif d’un journal est de faire naître de l’émotion et ce n’est pas pour rien, rappelle-t-il, que le « gros titre » est apparu lors des guerres napoléoniennes : « Le gros titre est un cri primitif enragé, triomphal, angoissé ou alarmiste. » Si la plupart des magazines sont les marqueurs d’un égalitarisme démocratique pervers cherchant à avilir les grands hommes (stars en tout genre, grands patrons, politiques…) pour en faire des hommes ordinaires ayant simplement eu un peu plus de chance que les autres, d’autres, plus rares, comme Time (Télérama), abolissent l’esprit critique de leurs lecteurs en leur faisant croire qu’ils sont eux aussi des happy few devant, en tant que tels, souscrire à leurs dires. L’« annihilation de l’ego » prend toute son ampleur avec la publicité à laquelle McLuhan consacre de nombreuses pages. La publicité prescrit au réel son mode d’être. Les slogans sont des « images totémiques » simples et claires qui, par « la consommation de produits uniformisés », mettent en place « un communisme pratique plutôt que théorique. » L’acquisition de ces objets permet de s’identifier, voire de rivaliser avec son voisin, si bien que la publicité, comme le montre aujourd’hui plus particulièrement encore la téléphonie, fait naître en chacun de nous « une tendance à vivre non seulement en fonction des marchandises présentes, mais également futures ». Je consomme donc je suis et « ne pas posséder certains des nouveaux modèles marque l’homme du sceau de l’échec économique ».
En s’intéressant à la BD et au cinéma, McLuhan montre qu’un adage comme « Le crime ne paie pas » est l’expression de la faillite morale de notre temps car « il implique que si le crime pouvait payer, alors la ligne de démarcation entre la vertu et le vice disparaîtrait ». Le gangster est le héros tragique moderne. Admiré pour sa volonté farouche de réussir, il possède les mêmes vertus qu’un chef d’entreprise, sauf qu’il s’est engagé dans la mauvaise voie, celle qui échoue forcément. Le crime ne paie pas, la respectabilité si. L’honneur est sauf. On lira aussi avec intérêt les analyses qu’il consacre à John Wayne, Tarzan, Sherlock Holmes ou encore à Superman, « le rêve éveillé » de Clark Kent.
En bon héritier de Tocqueville, McLuhan nous met donc en garde contre les dérives des démocraties modernes. L’uniformisation des goûts, la perte de l’esprit critique et l’obsession pour le confort matériel sont le signe d’un nouvel esclavage. McLuhan peut alors conclure : « Aujourd’hui, le tyran ne gouverne plus avec la houlette ni le poing mais, grimé en responsable d’études de marché, il conduit son troupeau dans les voies de l’utilité et du confort. »

Éric Bonnargent

La Mariée mécanique, folklore de l’homme industriel
Marshall McLuhan
Traduit de l’anglais (Canada) par Émilie Notéris
Éditions Ère, 176 pages, 30

Maux modernes Par Eric Bonnargent
Le Matricule des Anges n°137 , octobre 2012.
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