Dans le cabinet de Vincent, un gynécologue, surgit Camille D., bien mystérieuse patiente qui semble tout savoir de lui, jusqu’au nom de son compagnon, David. Camille a tous les attributs de son statut. La patiente est autant celle qui sait attendre, que cette autre qui souffre ou qui s’attend à souffrir. C’est aussi la malade qui demande de la patience aux autres. Cumulant toutes ces fonctions, la passante, enceinte, provoque chez son médecin un trouble indéfinissable. Elle renverse entièrement la relation entre le soignant et le soigné. Car le secret que détient Camille sur sa vie personnelle lui confère sa force. Elle s’insinue, « se tient comme un nuage léger », mais permanent. Pour Vincent, savoir devient alors une obsession, d’autant plus que sa relation avec David garde sa part d’ombre : « Je n’ai jamais su ce que je représentais exactement pour lui, et nous n’en avons jamais parlé ». Au fur et à mesure que Vincent et Camille s’apprivoisent, David semble s’éloigner. Plus la vérité menace, plus il panique, jusqu’à l’irréparable.
Ce qu’aborde Jean-Philippe Mégnin avec un tact infini, c’est l’illusion toute-puissante qui consiste à croire que l’Autre est connu. Comme si le vécu, le temps passé, le cumul des expériences pouvaient définir une identité. Camille, David et Vincent prennent conscience du mirage. Relations flottantes, univers compartimentés, l’unité de façade ne résiste pas aux faits. Elle prend entre Camille et David un tour shakespearien. Sur le trio pèse maintenant le poids des interdits sociaux et des tabous fondamentaux. Toute chose que Camille tente de dépasser grâce à l’enfant à venir : « C’est le seul moyen que j’ai trouvé de renoncer à lui tout en le gardant avec moi ».
Du triangle éclaté reste un David errant, personnage qu’on pensait principal, acteur secondaire d’un drame qui le dépasse. Le roman de Jean-Philippe Mégnin a la force des belles tragédies. Il se déploie en trois actes qui vont crescendo, et laisse bien heureusement les questions existentielles sans réponses.
F. M.
La Patiente
Jean-Philippe Mégnin
Le Dilettante, 158 pages, 15 €
Domaine français La Patiente
novembre 2012 | Le Matricule des Anges n°138
| par
Franck Mannoni
Un livre
Par
Franck Mannoni
Le Matricule des Anges n°138
, novembre 2012.