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Domaine étranger Everett sans issue

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Lionel Destremau

Montée des enfers, ou comment trouver la lumière dans les méandres d’un roman noir énigmatique.

Percival Everett n’est pas un auteur habitué des polars, plutôt un écrivain protéiforme, un brin savant, grand lecteur et, se faisant, habile pasticheur usant de tous les registres littéraires à sa disposition pour produire des romans qui se situent là où on ne les attend pas… Avec Montée aux enfers, il récidive, en s’emparant du genre policier, de ses codes bien calibrés, mettant en scène un bel univers de roman noir mais qui, progressivement, va se craqueler, s’effriter pour laisser le lecteur dans une forme d’impasse.

Perdre le sens commun.

Ogden Walker est un adjoint de shérif dans une petite bourgade perdue du Nouveau Mexique. Métis, de mère blanche et de père noir, il est un des rares hommes de couleur à des kilomètres à la ronde, et sa couleur de peau comme son job ne facilitent pas ses rapports avec une communauté méfiante à son égard. Mais il fait son boulot, sans fierté particulière, sans vrai goût pour celui-ci non plus, avec application, ténacité si besoin, vivant par ailleurs une existence tranquille où se mêlent la pêche à la mouche pendant ses repos et une grande proximité avec sa maman (on ne lui connaît pas d’autres femmes dans sa vie). Son paisible mode de vie se retrouve successivement bousculé par des affaires peu orthodoxes en ces lieux où, traditionnellement, il ne se passe rien ou presque. Une vieille femme se fait assassiner peu de temps après qu’il lui a rendu visite. Sur les lieux, pas de trace du meurtrier, sinon ses propres empreintes. Cette enquête va faire se croiser le FBI, des groupuscules racistes, d’autres meurtres et une femme qui se présente comme la fille de la première victime.
Cette première partie du roman, qui se présente comme une longue novella, nous embarque de voies sans issue en indices peu concluants, jusqu’à soudain s’accélérer et se clore pour faire place à une seconde affaire. Une jeune femme débarque au poste de police en quête d’une cousine perdue de vue. Elle va pousser Ogden dans de nouveaux chemins tortueux, parsemés de cadavres, qui vont l’éloigner de ses montagnes pour l’amener jusqu’à Denver dans les quartiers chauds, auprès des prostituées et des camées de tout bord. Une nouvelle fois, comme une poussée d’adrénaline subite, l’histoire trouve sa conclusion en deux paragraphes secs pour laisser place à une troisième et ultime partie où Ogden est aux prises avec ses propres collègues le soupçonnant du meurtre d’un garde-pêche.
Dans un style neutre et dépouillé, au fil de dialogues creusés par le silence, de questions où la conviction paraît s’essouffler, de réponses évasives ou ironiques, Everett parvient à la fois à nous rendre attachant son personnage, nous intriguer sur son comportement fataliste, nous secouer par la violence des actes sanglants mis en scène et en même temps à nous laisser toujours sur notre faim. Sans doute parce qu’il ne cherche pas à nous intéresser profondément à la résolution des intrigues. C’est plutôt ce qu’elles mettent peu à peu au jour qui compte, et comment à travers les portraits d’une Amérique multiple, où se côtoient les citoyens lambda et les exclus de la société, la vérité n’est plus une valeur, la violence n’est qu’un écho d’une forme d’absurdité généralisée où tout sens commun a été perdu en chemin. Ainsi, malgré toute sa compétence d’enquêteur, Ogden finit toujours plus ou moins sur le même registre : « Rien. Je ne sais pas ce que je recherche. Pourtant, ça devrait crever les yeux ». Everett n’est pas le premier à s’emparer des codes d’un genre, les tordre en tous sens, pour produire son effet. Reste à savoir si, à trop jouer sur le déceptif, il parvient tout de même à garder intact un plaisir de lecture. C’est le cas, et on ne peut que saluer la maîtrise d’un auteur qui, au terme du roman, nous aura amenés vers une conclusion un rien surprenante et qui, la surprise passée, nous fera réfléchir sur le sens de ce que nous venons de lire.

Lionel Destremau

Montée aux enfers
Percival Everett
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne-Laure Tissut
Actes Sud, « Actes noirs », 264 pages, 21,80

Everett sans issue Par Lionel Destremau
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
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