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Domaine étranger Voix de l’âme

janvier 2013 | Le Matricule des Anges n°139 | par Julie Coutu

Réédition du beau livre des mémoires de l’Uruguayen Eduardo Galeano, exilé des dictatures, entrelaçant histoire et poésie.

Le Livre des étreintes

Recordar, ou se souvenir en espagnol : du latin re-cordis, repasser par le cœur ». Voilà qui ouvre ce Livre des étreintes, objet singulier, inclassable. Ni roman, ni essai, ni poésie, explosion de fragments plutôt, mêlant fables, anecdotes, lambeaux d’histoire, souvenirs, analyses politiques et sociales, pensées fugaces ou plus durables, contes, croyances, en une immense mosaïque rythmée, interrompue, prolongée par des dessins façon gravures qui se répètent, se multiplient et se réinventent à l’envi, au fil du flux des textes dont ils semblent aider à réordonner la trame.
Entre Le Monde et L’origine du Monde jusqu’à L’air et le vent et La bourrasque, Eduardo Galeano promène au fil de près de deux cents vignettes réflexions et regards offerts sur notre humaine condition, d’une surprenante contemporanéité : le livre a été publié en 1989 (traduit aux éditions de La Différence en 1994) ; il pourrait avoir été écrit hier.
Écrivain de l’exil (de l’Uruguay vers l’Argentine en 1973, puis de l’Argentine vers l’Espagne en 1975 avant un retour à Montevideo en 1985), Eduardo Galeano dit la force de la mémoire, celle des mots : « Lorsqu’elle est authentique, lorsqu’elle naît de la nécessité de dire, personne ne peut arrêter la voix humaine. Si on la prive de bouche, elle parle par les mains, les yeux, les pores ou par n’importe où. Car nous avons tous quelque chose à dire aux autres, quelque chose qui mérite d’être célébré ou pardonné par les autres ». C’est peut-être ce qui le conduit à laisser parler les murs. C’est très certainement ce qui permet à ses arrêts, à ses silences, de s’alourdir de sens. « Je suis allé à Isla Negra dans la maison qui fut, et qui est encore, celle de Pablo Neruda. L’entrée était condamnée. Une palissade de bois entourait la maison. Les gens y avaient gravé leurs messages au poète sans laisser le moindre recoin intact (…). Moi aussi j’ai trouvé ma façon, sans paroles. Et je suis entré sans entrer. Et en silence, nous avons parlé de vins, le poète et moi, en nous taisant. » Galeano fonctionne à l’économie de mots. Tout est soigneusement pesé, tout superflu écarté, chaque texte dégraissé pour aller à l’essentiel.
Le Livre des étreintes a des airs de matériau brut ; les textes s’enchaînent, les liens des uns aux autres fugaces, discrets, absents parfois. Eduardo Galeano écrit, transmet, raconte, répète, invente, touche à l’universel comme au plus intime avec toujours la même justesse de ton, la même acuité ; le même humour aussi, et le mordant : « Au sud, la répression. Au nord, la dépression. Ils sont en nombre les intellectuels du Nord qui épousent les révolutions du Sud pour le simple plaisir d’être veufs. » Recueil protéiforme, son Livre se construit autour du souvenir, des oublis, des mensonges, des peurs et des dépassements. Dire permet de contrebalancer l’absurde mais aussi de réenchanter le monde, et la forme brève, syncopée, mouvante, renforce cet effet.
D’autant que Galeano offre voix à tous, transmetteur d’histoires autant que créateur, observateur attentif autant qu’inventeur. Les récits s’agglomèrent pour former une trame toujours plus large, un tissu de ressentis, d’ambiances, qui plonge au cœur de l’Histoire. Le Livre des étreintes semble murmurer constamment, comme empli d’une forme de sagesse ancienne, à la douceur singulière, appuyée par une ironie souvent grinçante, cinglante. « J’écris pour ceux qui ne peuvent pas me lire. Ceux d’en bas, ceux qui attendent depuis des siècles dans la file d’attente de l’histoire, qui ne savent pas lire ou n’ont pas de quoi lire », explique l’auteur des Veines ouvertes de l’Amérique latine. Son œuvre a des airs de secret ; comme si dans l’attente, chaque mot demandait à être distillé, lentement, patiemment. Pour être offert à tous. 

Julie Coutu

Le Livre des étreintes
Eduardo Galeano
Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Pierre Guillaumin
Lux éditeur, 280 pages, 19

Voix de l’âme Par Julie Coutu
Le Matricule des Anges n°139 , janvier 2013.
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