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Poésie Jack l’excentré

avril 2013 | Le Matricule des Anges n°142 | par Emmanuel Laugier

Les Trois leçons de poétique de Jack Spicer sont de formidables divagations, allusives et accordées à sa façon d’aller toujours vers sa propre ignorance.

Trois leçons de poétique

C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça  » (My Vocabulary Did This to Me) sont les derniers mots qu’aurait prononcés Jack Spicer (né en 1925 à Los Angeles) avant sa mort en 1965 : il ne parle pas seulement de la puissance des mots, mais de tout le réseau qui constitue les champs lexicaux d’un poète et de leur force à pouvoir, à tel moment, l’éventrer… Cette phrase, si simple en apparence, pourrait être la synthèse de tout le travail du merveilleux poète que fut Jack Spicer, mais aussi le signe de l’utopie communautaire qu’il plaçait au centre de la tâche de toute véritable écriture ; et enfin l’aménagement in progress d’une sorte de « cité de dieu » (Saint Augustin) par laquelle le poème serait l’espace où se rassemble tout ce qui « dehors  », au-delà de nous, se doit pourtant de venir dans le poème. C’était là son combat contre l’équivalence voulue entre poète et ego créatif. Les Trois leçons de poétique qui paraissent aujourd’hui poursuivent la lecture (après la formidable parution, en 2006, des livres de Spicer*) de cette presque énigmatique conception du poème, et par conséquent, de ce que « être poète » serait.
Données à Vancouver (le 13, 15 et 17 juin 1965), les trois leçons se partagent en trois plans d’interrogation, que Spicer spécifie : « Le premier problème qui se pose au poète je crois est le problème de la dictée poétique. Le deuxième problème – que vous ne pouvez vraiment bien “saisir” qu’en comprenant ce qu’est ou n’est pas la dictée poétique – c’est le poème sériel. La troisième leçon jeudi soir se voudrait une espèce d’autopsie ou d’examen du développement d’un poème que je suis en train d’écrire  ». Il s’y tiendra, non sans détours par lesquels le martien, puis les fantômes, s’insinuent comme exemples, ou peut-être comme les deux figures de l’inconcevable, voire de ce qu’il y a de plus lointain de l’homme. C’est pourtant dans le branchement à ces forces, à la façon dont elles appuient sur son vocabulaire (mais hors d’une quelconque mystique, plutôt comme un travail spirituel consistant à devenir une poche vide, le creux d’« un vase » écrit-il), que Spicer conçoit sa poétique : et d’abord comme celle d’une démarche de perdition, une logique d’égarements multiples, par lesquels se donneront, insiste-t-il tout du long, les deux moments (détachés ou recroisés formellement) de son écriture elle-même : celui du poème « dicté  » et celui du poème « sériel  ». Peter Gizzi, transcripteur et éditeur américain de ces conférences, précise qu’en tant que « discours oraux enregistrés à la fin de la vie du poète, ces leçons acquièrent un pouvoir énigmatique et quelque chose de définitif : les déclarations de Spicer ne sont pas prophétiques mais indociles, allusives et tout à fait délibérées. Son humour ou “méchant esprit ironique” (…) est charismatique. Il possède ce don très particulier d’être irrévérencieux tout en tombant toujours juste ». L’orateur de type « chandelle romaine  », selon son expression, n’est pas son fort, ni son style celui de l’écriture d’un professeur. La distinction est nécessaire, et elle semble caractériser très fortement, comme c’est le cas des Inconférences de E. E. Cummings, le style oralement divaguant de Spicer, mais pourtant toujours très synchrone quant à la description de l’enjeu du poème, de ses circonstances, de son rapport au langage.
Gizzi ajoute ceci : « l’accent [que Spicer met] sur un vocabulaire “bas”, tire la critique hors du territoire clinique et rassurant du discours critique convenu, pour l’amener au langage du base-ball, des films grand-public, de la télévision et des conversations de bistrot  ». Ce sera la façon dont il accueillera dans le creux du tympan la voix du monde, des promenades, des amours et des spectres. Une acoustique toute en vitesse dans des mots neufs.

Emmanuel Laugier

* C’est mon vocabulaire qui m’a fait ça,
traduction d’Éric Suchère, Le Bleu du ciel.

Trois leçons de poétique
Jack Spicer
Introductions et notes de Peter Gizzi
Traduit de l’anglais (USA/Canada) par Bernard Rival
Éditions du Théâtre Typographique, 178 p., 23

Jack l’excentré Par Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°142 , avril 2013.
LMDA papier n°142
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