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Les mains dans la lutte I****

juin 2013 | Le Matricule des Anges n°144

C’est tout le vieux monde qui est emporté dans la chute, confirmant ses intuitions les plus profondes, celles qui gîtent sous les tripes, entre la mémoire personnelle et la rancœur collective. Autre temps autres mœurs, d’accord, mais on attend toujours les résultats. Le seul est le chaos généralisé, exponentiel, dont elle identifie désormais les traces au quotidien, et qui lui saute à la gueule à n’importe quel moment de la journée.
Un jardin, les enfants qui ne jouent pas, qui se battent.
La rue, une petite fille qui pleure et son père fait demi-tour et retourne dans la boulangerie lui acheter ce cramique aux raisins qu’il avait décidé de lui refuser.
La rue, les restes d’une poubelle brûlée, l’arceau de métal tordu et la flaque en relief sur le sol.
La télévision, le chômage n’est plus un chiffre mais un trou noir dans le champ social, aspirant goulûment des milliers d’innocents.
La télévision, émission sur les îles qui ont l’apparence vénéneuse des innocences ensoleillées et sont la plaque tournante de l’argent de la drogue.
Les voisins, elle a entendu parler d’une dame morte de froid dans son appartement, à quatre rues d’ici.
La rue, un policier souffle désespérément dans son sifflet tandis que les voitures traversent le carrefour en accélérant. Cyclistes sur les trottoirs. Personne ne sait ce qu’est un passage clouté.
La rue, les gens sont sales. Les hommes ne portent la cravate que pour aller travailler (ceux qui travaillent), comme s’ils la portaient pour les autres.
Jamais on ne l’a vue boudinée dans une robe de chambre quand elle va retirer son courrier, ou dans un survêtement rose à la boulangerie, ou sortir les cheveux en bataille. Touche pas à ma permanente. Si l’on veut que les choses se tiennent, il faut commencer par soi-même. Tous les jours elle se poudre.
Les écoles, les maîtres ne sont quand même pas des copains.
Les écoles, ils n’y apprennent plus rien, analphabètes. Ils n’acquièrent pas les valeurs. On ne leur enseigne plus le sens de l’histoire. On leur jette des connaissances émiettées, comme du pain aux pigeons.
Le bus, comportement absolument affligeant et inacceptable de la jeune génération dénuée de respect. Personne ne lui cède sa place. Elle doit réclamer.
La rue, avec leur chien, quand ils font mine de quitter les lieux après la crotte, elle les rejoint et crie : « Vous avez oublié quelque chose ? »
La télévision, tous les jours il y a un beau métier qui meurt, un métier d’art, un métier manuel, et ils n’en parlent jamais. À la place, des âneries.
La télévision, des excuses et encore des excuses. Il n’y a que les victimes qu’on n’excuse pas.
La société, personne ne veut rester à sa place, ne tient son rang. On dirait des cabris à tant vouloir bouger.
Les mœurs, et tout fiche en l’air au plus mauvais moment. Elle ne dit pas non à tout, mais : plus tard, quand les gens seront raisonnables et sauront ne pas abuser.
Elle se souvient d’une enfance où le monde était déjà difficile mais où l’on percevait le lien entre la volonté et l’action, où les justes étaient récompensés. Il y avait des pauvres qui forçaient le respect. Rien à voir avec ces mendiants répugnants et agressifs qui se collent après vous et qu’il faudrait frapper pour leur faire lâcher prise.
Il y a toujours eu des méchants, mais on pouvait en avoir raison.
Il n’y a aujourd’hui personne pour se dresser et mettre un terme, personne pour dire non, personne qui prenne le commandement, personne qui soit à la taille de la défaite qui se profile et puisse opposer sa stature.
Elle se souvient des hommes qui se méfiaient de la parole et prenaient leur responsabilité.
Les banques, les Internet, les mutuelles, les assurances appellent à son domicile, avec des voix étranges, lointaines, étrangères, on entend des enfants crier derrière, elle se sent assaillie par des nuées de tiques et de lentes.
Elle garde du riz, des pâtes, de la farine, des épinards en boîte, des bouteilles d’eau, dans sa cuisine et dans sa cave.
Elle se souvient des apocalypses peintes, avec le gouffre ouvert devant les justes, les nuées hurlantes des démons tournant autour des têtes pour aveugler, l’impuissance, les corps tordus par le malheur.
Elle éprouve chaque journée, hébétée, un moignon à chaque bras, ses mains travailleuses emportées par la machine sociale retournée à l’état sauvage. Autour d’elle, personne n’a conscience de ce qui vient. Les rares qui ont compris, on ne les laisse pas parler

Charles Robinson

I****
Le Matricule des Anges n°144 , juin 2013.
LMDA papier n°144
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