Cette nouvelle pièce de David Léon est comme le deuxième opus d’Un Batman dans la tête, un de ses précédents textes qui racontait le suicide d’un jeune garçon aux prises avec la folie. Une pièce en forme de cri dont la lecture nous frappait de plein fouet. Cette fois-ci, nous plongeons plus en avant dans cette histoire tragique, en découvrant que le jeune garçon avec un Batman dans la tête est en fait le frère de l’auteur. Une citation de Marguerite Duras en guise de préface : « Je ne parviens à me libérer de moi que dans deux cas : par l’idée du suicide et par celle d’écrire. » Puis un court extrait d’un essai d’Harold Searles : L’effort pour rendre l’autre fou. Ou donner corps à la notion de meurtre psychologique qui n’existe pas encore juridiquement. David Léon va faire des liens entre les différents carcans qui emprisonnent et rendent fou, le carcan familial hétérosexuel mais aussi le carcan de soin, institutionnel. La pièce démarre sur une lettre de démission. D’un poste d’éducateur. C’était le premier métier de David Léon. « M. Le directeur. J’ai. L’honneur. De vous informer. Par la présente. Que. “Je” suis. Démissionnaire. De mes fonctions. Educatives. Que j’exerce. Depuis le “telle date” (…) ».
La langue est d’emblée hachée, hachurée, entrecoupée, arrêtée. Avec ce « Je » qui n’arrive pas à se dire sans guillemets. Comme s’il était trouble. « Le. “Je”. Est. toujours. Un verre brisé » écrit David Léon. Sauver la peau nous plonge au cœur du processus de la littérature. De l’impérieuse nécessité d’écrire qui naît d’une mise en chaos originelle. Une façon de sauver la peau, quand il est impossible de sauver sa peau. La peau malade. « Si vous ne mettez pas. Votre. Peau. Sur la table. Vous. N’avez. Rien. » ajoute David Léon en citant à sa façon Céline.
Sauver la peau est une polyphonie. Un objet théâtral prêt à exploser aux oreilles. L’endroit de la scène suscite une question, à savoir comment être à la mesure de cette matière incandescente.
L. Cazaux
Sauver la peau
David Léon
Espaces 34, 52 pages, 12 €
Théâtre Sauver la peau
mai 2014 | Le Matricule des Anges n°153
| par
Laurence Cazaux
Un livre
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°153
, mai 2014.